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droit et la morale, en second lieu accorder son concours partout où le but, qui est le progrès social, peut être mieux atteint de cette manière que par les efforts individuels, qu’il s’agisse de l’amélioration des ports, des voies de communication, du développement de l’instruction, des sciences, des arts ou d’un autre objet d’utilité générale. L’intervention de l’état ne doit pas être toujours repoussée comme le veulent les économistes à outrance, ni toujours admise comme le demandent les socialistes ; chaque cas doit être examiné à part en tenant compte des besoins à satisfaire et des ressources de l’initiative privée. Seulement c’est une erreur de croire que le rôle de l’état s’amoindrisse à mesure que la civilisation progresse : il est aujourd’hui d’une autre nature que sous le régime patriarcal ou despotique, mais il s’étend sans cesse dès que s’ouvre une voie nouvelle à l’activité humaine et que s’épure l’appréciation de ce qui est licite et de ce qui ne l’est pas. Cette opinion a été exposée également en France avec beaucoup de force par M. Dupont-White dans son livre l’Individu et l’état.

Les Katheder-socialisten reprochent aussi aux économistes orthodoxes de s’être renfermés trop exclusivement dans les questions qui touchent à la production de la richesse et d’avoir négligé celles qui concernent la répartition et la consommation. Ils prétendent qu’ils ont considéré l’homme comme une force productive sans se préoccuper assez de sa destinée et de ses obligations comme être moral et intelligent. D’après eux, grâce aux merveilles de la science appliquée à l’industrie, celle-ci fournirait déjà des produits suffisans, si tout le travail était utilement employé et si tant d’efforts humains n’étaient pas gaspillés pour des satisfactions fausses ou même vicieuses ; le grand problème de. notre temps, c’est ce que l’on appelle la question sociale, c’est-à-dire une question de répartition. Les classes laborieuses veulent améliorer leur sort et obtenir une part plus grande des biens créés par le concours du capital et du travail. Dans quelles limites et à quelles conditions cela est-il possible ? Voilà ce qu’il s’agit de savoir. En présence des maux qui troublent et qui menacent le corps social, trois systèmes se présentent : celui qui préconise le retour au passé et le rétablissement de l’ancien régime, — le socialisme, qui vise à un changement radical de l’ordre social, — enfin l’économie orthodoxe, qui croit que tout se résoudra par la liberté et par l’action des lois naturelles. D’après les Katheder-socialisten, aucun de ces trois systèmes ne résout les difficultés qui agitent l’époque actuelle. Le retour au passé est impossible, une modification générale et brusque de la société ne l’est pas moins, et invoquer la liberté, c’est en ce point se payer de mots, car il s’agit d’une question de droit, de code civil et