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LES TENDANCES NOUVELLES
DE
L'ECONOMIE POLITIQUE
ET DU SOCIALISME

L’économie politique que j’appellerais volontiers orthodoxe, c’est-à-dire la science telle qu’elle avait été comprise et exposée par les pères de la science, Adam Smith et J.-B. Say, et par leurs disciples, semblait être définitivement constituée. Comme l’église de Rome, elle avait son credo. Certaines vérités paraissaient si solidement établies, si irréfragablement démontrées, qu’on les acceptait comme des dogmes. Ceux qui en doutaient étaient considérés comme des hérétiques dont l’ignorance seule expliquait les aberrations. Sans doute ces vérités économiques n’avaient pas été formulées sans rencontrer de vives oppositions. Dès le principe et jusqu’à nos jours, elles avaient été attaquées par certains écrivains religieux, qui les accusaient de matérialisme et d’immoralité, et par les différentes sectes socialistes, qui leur reprochaient de sacrifier sans pitié les droits des classes déshéritées aux privilèges des riches ; mais les économistes avaient eu facilement raison de ces deux groupes d’adversaires, qui, n’obéissant qu’aux inspirations du sentiment, n’avaient guère approfondi les questions qu’ils abordaient. Aujourd’hui les dogmes économiques rencontrent des contradicteurs autrement redoutables. En Allemagne, ce sont les professeurs d’économie politique eux-mêmes, que pour ce motif on a nommés Katheder-socialisten, c’est-à-dire « les socialistes de la chaire. » En Angleterre, ce sont les économistes qui ont le plus étudié l’histoire et le droit