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peut placer de 10 à 12 troupeaux de cette importance. On trouve facilement des terrains Il louer, bien qu’ils soient chaque jour plus recherchés. Le système pratiqué est celui de l’association : le propriétaire ou locataire du terrain fournit un rancho, 1,000 brebis, 200 hectares à un métayer qui, fournissant également 1,000 brebis et entrant pour moitié dans les frais d’installation, aura la garde du troupeau. Tous les produits se diviseront par moitié ; le métayer cependant a le droit de nourrir sa famille en tuant les animaux nécessaires à sa consommation ; il doit compte, bien entendu, de chaque peau provenant de ces abatages quotidiens. D’octobre à décembre a lieu la tonte ; en mai, avant la mise bas d’automne, qui commence à cette époque et qui est la plus productive, on peut vendre les animaux gras ou vieux et faire place ainsi aux agneaux.

Le produit de ce genre d’industrie est vraiment prodigieux. Nous avons pris au hasard le compte de rendement d’un troupeau de 2,040 moutons élevés par un métayer soigneux associé par moitié. Il fut payé en avril 1874 5 francs par tête, soit 10,200 francs ; en décembre, le produit net en laine fut de 2,200 francs, les peaux provenant de la consommation du métayer et de quelques animaux morts donnèrent 420 francs ; en avril 1875, on put extraire du troupeau 800 animaux choisis que l’on vendit 9 francs pièce, soit 7,200 francs, et le troupeau, augmenté déjà des mises bas d’avril, resta encore de 1,900 têtes à la veille de la mise bas d’automne, qui devait donner au moins 500 agneaux, soit un revenu de près de 100 pour 100 en une seule année pour un troupeau très ordinaire. Certes il y a des métayers peu soigneux et des propriétaires négligens qui détruisent ou laissent perdre leur troupeau peu à peu, et au bout de quelques années sont plus pauvres qu’au début ; mais l’homme travailleur et sobre ne trouvera nulle part un emploi plus avantageux d’un petit capital. Ce premier capital, l’immigrant qui fera preuve de qualités sérieuses ne manquera pas de propriétaires qui le lui prêtent, trop heureux de s’attacher un homme capable de faire prospérer leurs intérêts en même temps que les siens propres ; mais il ne faut pas croire que cette-vie soit des plus douces, le seul charme pour celui qui aime le far-niente le plus invariable, c’est l’oisiveté absolue.

Est-ce un travail en effet que d’ouvrir à l’aube en été, à dix heures en hiver, la porte du parc ? Le troupeau de lui-même va pâturer où bon lui semble, et le soir un enfant à cheval suffit à le rassembler et à le ramener bêlant. Les quelques soins à lui donner consistent pendant le jour à faire un tour ou deux à cheval pour empêcher qu’il ne se mêle avec le troupeau du voisin ; quelquefois, mais rarement, dans les nuits d’orage, une surveillance est