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nouvelles clartés sur la manière dont s’exécutent les fonctions organiques lorsque les instrumens présentent des signes d’imperfection, naissaient des motifs de discussions pleines d’intérêt sur des phénomènes de la vie. Un voyage scientifique en Sicile récemment accompli fournissait aussi des alimens aux conversations[1]. Adrien de Jussieu, le botaniste aimable et distingué, fort assidu aux soirées de son confrère, avait, quelques années plus tôt, parcouru la grande île méditerranéenne en compagnie de Jean-Jacques Ampère. Doué d’une rare finesse d’esprit et d’un talent de narrateur peu ordinaire, Adrien de Jussieu captivait tout le monde par le récit d’une anecdote. Dans le salon du professeur du Muséum d’histoire naturelle, où l’on rencontrait nombre d’hommes illustres dans la science, on saluait avec un plaisir extrême l’entrée d’un zoologiste étranger ; tout de suite venait la pensée de mettre à profit l’occasion de s’instruire davantage sur la direction des études, sur le mouvement des esprits, sur les idées régnantes au sujet de certaines questions soit en Angleterre, soit en Allemagne, soit en Hollande, en Russie ou en Amérique. Aussi l’étranger, gracieusement sollicité de parler de ses travaux et de ses vues personnelles, était écouté avec une attention particulière.

A Paris, Agassiz s’était replongé dans le travail avec son ardeur habituelle ; il ne quittera point l’Europe avant d’avoir achevé certains travaux. Conservant une sorte de prédilection pour les échinodermes, il ne put examiner les collections du Muséum d’histoire naturelle sans être pris du désir de faire une révision générale de toutes les espèces d’oursins vivans et fossiles. En collaboration avec Desor, il revint donc au sujet qui longtemps l’avait captivé ; bientôt les paléontologistes se trouvèrent mis en possession d’une œuvre propre à les guider, dans la recherche[2]. Agassiz comprenait toutes les nécessités de la science ; ce penseur qui ne recule devant aucun effort pour expliquer un phénomène, et qui rêve la solution des plus grands problèmes de la nature, ne dédaignera point de s’occuper d’une besogne insipide. Souvent contrarié par les défauts de la nomenclature des genres : synonymes, pareils noms appliqués à des sujets différens, erreurs consacrées par un certain usage, le naturaliste de Neuchatel avait pris une foule de notes. Il

  1. MM. Milne Edwards, de Quatrefages et l’auteur de cette étude avaient entrepris ce voyage en vue de recherches sur l’organisation et le développement des animaux. Les résultats des recherches ont été publiés. Il a été rendu compte du voyage par M. de Quatrefages dans la Revue du 15 décembre 1845, du 15 février et du 15 octobre 1846, du 1er janvier et du 1er juillet 1847.
  2. Catalogue raisonné des familles, des genres et des espèces de la classe des échinodermes. — Annales des sciences naturelles, 1846.