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l’étude des moyens financiers et des combinaisons pratiques ; car si l’on tardait, il viendrait un moment où le public, las d’attendre, exigerait au-delà de ce qui est possible et équitable. N’est-ce pas d’ailleurs en vue de réaliser en France les progrès accomplis ailleurs que le gouvernement a procédé à des enquêtes aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, et qu’il a recueilli de nombreux rapports ? Toutes les propositions de réforme sont contenues dans ces documens.

Nos compagnies de chemins de fer sont en mesure de conduire à bonne fin la tâche qui leur est assignée. Il est toutefois nécessaire qu’elles y travaillent en pleine sécurité et qu’elles n’en soient point distraites par d’importunes compétitions. Le réseau français, tel qu’il a été combiné et réparti en 1858, ne saurait être impunément touché. Les tentatives qui sont faites pour modifier sa constitution doivent être écartées résolument ; elles ne peuvent avoir pour résultat que d’éveiller l’attention de l’autorité législative sur les périls auxquels serait exposé l’un des élémens les plus considérables de la fortune publique, si, contrairement aux principes adoptés et aux engagemens pris, on voyait se prolonger la lutte d’intérêts qui s’est déclarée au sujet des voies ferrées. Le grand réseau n’est pas exclusif, et il ne sera jamais achevé ; il laisse place aux efforts utiles, il se concilie avec la création d’autres entreprises, il est le tuteur naturel des lignes plus modestes qui rayonnent dans son domaine. Que l’on consulte le texte des lois qui se rapportent aux concessions votées depuis 1860, que l’on relise la loi de 1865 sur les chemins de fer d’intérêt local, et l’on se convaincra que la guerre des compagnies, qui a été si fatale aux États-Unis et en Angleterre, n’a point en France la moindre raison d’être. Les actes législatifs, les décisions gouvernementales ou administratives ont constamment affirmé le régime particulier qui gouverne et protège tout à la fois les grandes compagnies. Il suffira de demeurer fidèle à cette ligne de conduite et de réviser ou plutôt de rendre plus clairs quelques articles des lois en vigueur pour supprimer tout prétexte de désordre dans l’ensemble du réseau. Avec une situation nette, les compagnies perfectionneront leur système d’exploitation : ce sera leur meilleur argument, leur plus éloquent plaidoyer devant l’opinion publique.


C. LAVOLLEE.