Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être abandonné ni contesté, produit souvent des effets regrettables. Si le gouvernement estime qu’une ligne concédée à titre d’intérêt local doit être réservée pour le grand réseau, il annule le vote du conseil-général en refusant la déclaration d’utilité publique, et il peut se faire que, quelques jours après, il décrète l’utilité publique de la même ligne qu’il concède lui-même directement à une autre compagnie. Pour ceux qui connaissent les détails et les motifs de la législation, ces décisions, contradictoires en apparence, sont parfaitement expliquées ; mais les conseils-généraux et les concessionnaires ne s’en croient pas moins autorisés à les considérer comme des actes de mauvais vouloir et comme une atteinte portée à leurs franchises administratives ou à leurs droits d’antériorité. L’inconvénient est plus grave encore lorsque plusieurs conseils-généraux, usant de la faculté d’entente commune qui leur a été reconnue par la loi de 1871, ont traité avec une compagnie pour la construction d’un réseau départemental et que le gouvernement accorde à une partie seulement des lignes concédées la déclaration d’utilité publique et la refuse aux autres lignes, le plus souvent aux lignes réputées les plus productives. Par suite, les combinaisons si péniblement élaborées, instruites par les préfets, débattues au sein des conseils-généraux, sont complètement remises en question, les concessionnaires n’acceptant plus la charge d’un réseau mutilé, d’où l’on a précisément retiré les meilleures lignes. Il n’y aurait pourtant pas à se plaindre, si le projet était repris immédiatement par d’autres compagnies et exécuté à titre d’intérêt général ; les populations auraient en définitive leurs chemins de fer et elles seraient satisfaites. Malheureusement les choses ne se passent pas toujours ainsi : les débats parlementaires nous ont montré les luttes, les conflits, les mécontentemens que provoque dans plusieurs régions ce refus total ou partiel de la déclaration d’utilité publique.

Il conviendrait donc d’organiser la procédure de telle sorte que les résolutions des conseils-généraux fussent moins exposées à se voir annulées ou modifiées trop profondément par une décision supérieure. M. Krantz, qui a étudié de très près ce côté de la question, propose d’opérer dans chaque département le classement des lignes qui, à raison de leur direction ou de leur importance plus ou moins grande, doivent appartenir soit au réseau d’intérêt général, soit au réseau d’intérêt local. Une fois que la distinction serait établie sur la carte, les conseils-généraux seraient en mesure de délibérer plus sûrement ; ils ne risqueraient plus de s’égarer sur le domaine de l’état, et ils sauraient ce qu’il leur est permis de concéder. Les concessionnaires seraient de même avisés des limites dans lesquelles ils ont à tracer leurs plans. Ce classement n’est pas impraticable ; on y est arrivé pour les routes et chemins ordinaires, et, sauf les