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subventions, et le gouvernement ne peut écarter les concessions abusives qu’en refusant la déclaration d’utilité publique ; mais alors il se met en lutte avec les conseils départementaux, il mécontente de nombreux groupes de populations et il se crée des difficultés politiques.

A la fin de 1874, la statistique des chemins de fer d’intérêt local présentait les chiffres suivans : 1,498 kilomètres en exploitation, 2,790 kilomètres en construction, et 1,220 kilomètres concédés par les conseils-généraux, mais attendant encore la déclaration d’utilité publique. — Les 4,288 kilomètres exploités ou en construction sont établis dans 39 départemens ; ils ont reçu 42 millions en subventions de l’état, 105 millions en subventions des départemens, des communes ou de particuliers. On estime qu’à raison de 150,000 francs par kilomètre ils coûteront 642 millions, sur lesquels, déduction faite des subventions, les actionnaires et surtout les obligataires auront eu à fournir près de 500 millions. Ces derniers calculs ne s’appliquent pas aux 1,220 kilomètres concédés pour lesquels la déclaration d’utilité publique n’avait pas encore été décrétée à la fin de 1874 ; on sait que de nombreuses demandes de concessions sont à l’étude, de telle sorte qu’avant peu de temps le capital intéressé dans cette catégorie de voies ferrées dépasserait certainement un milliard.

Il était nécessaire de rappeler l’historique de la question depuis 1865, de montrer comment, sous l’influence des lois de 1867 et de 1871, l’institution des chemins de fer d’intérêt local s’est trouvée profondément altérée, et d’indiquer par les chiffres de la statistique la situation présente. Les difficultés ressortent de l’exposé même des faits. D’une part, il est indispensable d’accroître aussi promptement que possible l’ensemble du réseau des voies ferrées ; c’est le vœu légitime des populations, qui ne s’inquiètent pas d’ailleurs de savoir si on leur donnera des chemins de fer d’intérêt général ou des chemins de fer d’intérêt local, pourvu qu’on leur donne des lignes qui leur rendent des services. D’autre part, on doit veiller à ce que la réalisation de ce vœu n’affecte point les droits de l’état, respecte l’économie des anciennes conventions, ménage les intérêts du trésor public, qui sont liés à ceux des grandes compagnies, et n’entraîne pas des mécomptes financiers dont les conséquences pourraient être déplorables. Le problème est des plus complexes, et il devient urgent de le résoudre.

On a vu que, d’après le mécanisme de la loi de 1865, le gouvernement a le droit implicite d’accepter, de repousser ou de modifier les concessions départementales, puisqu’il lui appartient de prononcer la déclaration d’utilité publique, sans laquelle les travaux ne peuvent pas être commencés. L’exercice de ce droit, qui ne saurait