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On compte aux États-Unis près de 100,000 kilomètres de chemins de fer appartenant à 900 compagnies distinctes. Ce morcellement est des plus fâcheux. Les compagnies ont tenté d’y remédier par des fusions que la loi autorise ; un seul réseau, celui de Pensylvania, dépasse déjà 2,000 kilomètres, et il y a dix réseaux qui comprennent au moins 1,000 kilomètres. Les fusions s’opèrent soit au moyen du rachat direct d’une petite ligne par une compagnie voisine, soit sous forme de location pour neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ans. Quelquefois une compagnie achète la totalité des actions d’une compagnie concurrente dont elle exploite le réseau en lui laissant son ancien titre et une existence nominale. Bref, tous les procédés imaginables sont employés à cette œuvre de concentration qui rencontre en Amérique plus d’obstacles qu’ailleurs à cause de la division politique et administrative des états, mais qui est trop vivement sollicitée par les divers intérêts pour ne pas se continuer avec énergie. Il est permis aujourd’hui de prévoir que, partout où les fusions seront praticables, elles se réaliseront aux États-Unis à l’exemple de ce qui s’est fait en France.

Pour l’Angleterre, le système des fusions est en pleine vigueur. Plus des trois quarts du réseau anglais se trouvent dès à présent possédés par des compagnies, qui ont successivement racheté nombre de petites lignes. La compagnie la plus considérable est celle du London and North-Western, qui possède plus de 2,500 kilomètres. Constituée en 1846 avec 606 kilomètres, elle a racheté, de 1846 à 1860, dix-huit lignes, et de 1861 à 1870 trente-trois lignes. Elle exploite en même temps plusieurs services de bateaux à vapeur entre les côtes anglaises et l’Irlande. La compagnie du Great-Western, qui date de 1836, n’avait à son origine que 178 kilomètres. Elle a successivement absorbé cinq autres compagnies de 1837 à 1846, huit de 1847 à 1856, vingt-deux de 1857 à 1866, et trois en 1872, de telle sorte qu’avec son réseau actuel de 2,400 kilomètres elle représente la fusion de trente-huit compagnies, et l’on observe que la plus forte part de ces annexions s’est effectuée depuis 1857. Il en a été de même pour les autres compagnies anglaises, dont il serait superflu de poursuivre l’énumération. La force des choses a vaincu les hésitations du parlement, qui voulait d’abord s’opposer à cette concentration des chemins de fer. Tout récemment, en 1872, la question a été étudiée par un comité parlementaire dont les conclusions sont complètement favorables au nouveau régime. « En fait, est-il dit dans le rapport, le public ne peut que gagner à la plupart des arrangemens conclus entre les compagnies, et la balance des avantages, pour le public comme pour les actionnaires, penche décidément en faveur de la fusion. »