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enfans ne peuvent briser le contrat, à moins que le fiancé ne trouve un bon parti à offrir à la future qu’il repousse ; sinon, il peut être contraint par les magistrats d’accomplir la promesse faite en son nom. Les fiançailles solennelles constituent entre les futurs époux un lien aussi indissoluble que le mariage. Ils doivent en cas de mort porter le deuil l’un de l’autre, et autrefois la jeune fille qui avait eu le malheur de perdre son fiancé était regardée comme veuve, devait se noircir les dents, se raser les sourcils et renoncer au mariage. On reste ainsi fiancé pendant des années entières, souvent sans se voir et quelquefois sans se connaître. Ces longues attentes semblent surtout avoir pour but d’assurer des maris aux filles, qui sont en plus grand nombre que les hommes dans la population, de tenir une femme toute prête pour les jeunes gens le jour où le désordre de leur conduite avertirait le père qu’il est temps de les mettre en ménage, et enfin de faciliter entre les familles la perpétuation du même sang. Les conditions d’âge sont assez variables ; toutefois on ne marie guère les filles avant douze ans, ni les hommes avant quinze. Ils doivent à tout âge obtenir le consentement de leurs parens et même de leurs proches. L’autorisation du maire est nécessaire pour les gens du peuple, celle du daïmio et aujourd’hui du gouverneur pour les samouraï, celle du shogoun, aujourd’hui du mikado pour les princes.

La célébration des noces est de deux sortes. La première, plus compliquée et plus relevée, s’applique aux nobles, elle rappelle la confarreatio des Romains ; elle exige la présence d’un personnage sans lequel un mariage ne se fait guère, mais qui a ici un caractère officiel : c’est l’entremetteur. L’entremetteur choisit quelquefois pour les époux ; il transmet entre les parties les renseignemens sur la fortune et les autres questions préalables ; il est en quelque sorte garant de la bonne harmonie. Si des discussions éclatent entre les époux mariés sous ses auspices, il sert de négociateur et d’arbitre ; si les circonstances rendent une rupture nécessaire, c’est à lui qu’il appartient d’expédier la séparation. Le jour de la cérémonie nuptiale venu, la fiancée se rend, vêtue et voilée de blanc, au domicile de son futur époux, qui la reçoit à la porte de sa maison. On prend place, l’entremetteur entre les fiancés ; trois coupes sont placées devant lui : il passe la première remplie de sakki à la jeune fille, qui y trempe ses lèvres et la remet à son fiancé, celui-ci la vide et la remet à l’entremetteur ; une seconde coupe fait le tour en sens inverse ; elle circule jusqu’à ce que chacun l’ait offerte et reçue trois fois (san-san-ku-do, 3 fois 3 font 9). Par cette cérémonie, l’union est accomplie. La nouvelle épousée rejette alors son voile ; on va retrouver les parens et l’on commence un festin au milieu des chansons qui célèbrent le