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avec le temps des affaissemens, on y remédie sans peine en rechargeant de nouveau les digues.

Amsterdam, la métropole de la Hollande, est située non pas comme Rotterdam près de l’estuaire d’un fleuve, mais sur le golfe de l’Y, au fond du Zuiderzée, dont la navigation devient de plus en plus difficile à mesure que l’envasement s’accroît et que le tonnage des navires augmente. Ce port aurait déjà perdu sa prépondérance commerciale, si l’on n’avait ouvert il y a quarante ans le canal de Nord-Hollande, qui débouche à la pointe du Helder. Outre que ce canal gèle en hiver et qu’il n’a pas des dimensions qui le rendent accessible aux bâtimens de fort tonnage, il fait faire aux marins un long détour. Cependant Amsterdam est très rapprochée de la Mer du Nord. Entre l’Y et l’océan, il n’y a qu’une langue de terre de 5 kilomètres, la plus étroite partie de la Hollande, comme l’on dit dans le pays. Creuser un canal d’une mer à l’autre n’était pas une bien grosse entreprise à première vue ; toutefois l’opération ne pouvait être fructueuse qu’à condition de faire en même temps d’autres travaux très compliqués ; il fallait créer un port à l’entrée du canal, barrer l’entrée de l’Y du côté du Zuiderzée de façon à maintenir un niveau d’eau constant devant les quais de la ville, dessécher les bas-fonds du golfe afin de les rendre à la culture, bâtir des écluses aux deux bouts de ce canal artificiel. Les Hollandais sont passés maîtres en fait de desséchemens ; il est strictement exact de dire qu’ils disputent à la mer une partie de leur territoire. C’est qu’aussi le fond de ces lacs qu’ils livrent à la culture, le sol des polders, se trouve être tout de suite un terrain de première qualité. La superficie utile de l’Y n’est pas moindre.de 5,000 hectares ; on compte que la vente des nouveaux polders couvrira la dépense totale, évaluée à plus de 60 millions de francs, des travaux exécutés entre Amsterdam et la Mer du Nord. Ce sont, se dira-t-on, de bien grands frais pour une surface de quelques kilomètres carrés. Il est vrai qu’une telle entreprise n’est possible que dans une contrée où l’argent abonde ainsi que la main-d’œuvre. Bien plus, il ne suffit pas de dessécher une première fois les terrains, il faut sans cesse en enlever l’eau que la pluie ou les infiltrations y ramènent. Le niveau du port d’Amsterdam et du canal qui le desservira est fixé au ras des basses mers moyennes, si bien que les eaux surabondantes ne s’évacuent toutes seules qu’en ouvrant les portes des écluses aux jours de basses mers exceptionnelles. Il est donc nécessaire que les pompes d’épuisement soient en mouvement presque sans cesse. Autrefois on les faisait marcher au moyen de moulins à vent ; maintenant on préfère les machines à vapeur afin d’avoir un jeu plus régulier, plus constant. La ville, le port d’Amsterdam et les polders qui l’entourent vivent donc désormais sous la protection de quelques chaudières et de quelques pompes à défaut desquelles l’inondation les atteindrait rapidement. Le succès paraît certain, à tel point