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moyen de communication le plus habituel ; les routes de terre, peu fréquentées d’ailleurs, sont, à défaut de pierres, pavées en briques ; elles ne supporteraient pas le roulage fatigant de nos grands chemins ; mais les rivières s’ensablent peu à peu. D’ailleurs les ports de mer se sont créés, là comme ailleurs, assez loin à l’intérieur des terres, dans la partie des fleuves que la vague n’agite plus trop, où la marée se fait peu sentir, où les marchandises se peuvent charger sur essieux, au sortir des navires, de façon à se répandre sur le continent sans avoir d’autres cours d’eau à traverser. Ainsi Rotterdam, le second port de la Hollande sous le rapport de l’importance commerciale, est à 30 kilomètres de la mer, sur la Nouvelle-Meuse. La profondeur d’eau y dépasse 9 mètres, ce qui est plus que suffisant ; mais les bras du fleuve par lesquels on y arrive sont tous encombrés de bas-fonds. Les navires entraient autrefois par le bras principal en passant sous les murs de Brielle ou par le Scheur, qui est plus direct. Lorsque les bâtimens de fort tonnage n’y trouvèrent plus un mouillage suffisant, ils descendirent au sud, de manière à gagner Rotterdam par le Haringvliet, et, comme le trajet était long, on creusa le canal de Voorne en 1829 pour leur abréger le chemin. Maintenant il faut passer plus au sud encore, par les Grévelingues et le Hollandsch Diep. Ces détours faisaient perdre beaucoup de temps ; le pis est que ces embouchures s’ensablent toutes et qu’il s’y forme des bancs fort dangereux, si bien que les gros navires étaient obligés de s’alléger avant de remonter la rivière. On conçut alors le projet d’endiguer le Scheur, d’y réunir toutes les eaux qui coulent devant Rotterdam, afin d’y maintenir un courant assez fort et de faire déboucher ce canal à moitié artificiel dans la Mer du Nord par une ouverture creusée à travers les dunes. Tout cela n’était pas une petite affaire ; on y avait déjà dépensé 17 millions de francs en 1873 lorsque M. Croizette-Desnoyers visita les chantiers, et c’était loin d’être achevé. Le plus curieux est la façon dont les digues s’exécutent. En France et dans d’autres pays, les jetées à la mer se font en pierre ; en Hollande, où les matériaux durs coûtent très cher parce qu’il faut les amener de loin, on les construit au moyen de remblais en sable que maintiennent des pieux et des plates-formes en fascines. Il ne faut plus qu’une médiocre quantité de moellons pour protéger le pied des remblais ou pour maintenir en place ces clayonnages. Ce mode de construction semble bien fragile au premier abord. Les vagues et les courans n’entraîneront-ils pas ces matériaux de peu de volume ? Les tarets ne détruiront-ils pas les bois qui leur donnent seuls de la consistance ? Il n’en est rien, paraît-il. Le tout forme bientôt une seule masse que le sable et les mollusques agglutinent. Il était difficile de mieux employer les ressources d’un pays qui ne fournit ni pierres, ni grosses charpentes, mais qui produit en abondance par compensation les bois de petites dimensions nécessaires à la fabrication des fascines. S’il se produit