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dans un poème d’une énergique et brillante inspiration, la Rassegna di Novara, — la Revue de Novare. C’est une revue fantastique et patriotique que le roi Charles-Albert, secouant son linceul de marbre de Superga, va passer aux champs de Novare. Devant lui défilent à la clarté des étoiles les bataillons et les escadrons étincelans, ces précurseurs armés de l’unité italienne. M. Nigra, qui tout jeune encore était dans un de ces bataillons et qui sait allier le talent du poète à l’habileté du diplomate, n’a voulu laisser publier ses vers qu’au profit du monument funèbre où l’Italie a rassemblé les ossemens de tous ceux qui ont combattu à Solferino. « Quand mes pauvres vers, a écrit M. Nigra au président de l’œuvre, M. Torelli, ne serviraient qu’à faire croître un arbre de plus autour de ces ossemens sacrés, je ne me repentirais pas de vous les avoir envoyés. » Il avait certainement raison, les vers venaient à propos. Le ministre de l’instruction publique, M. Bonghi, en les recevant au sortir des dernières discussions, écrivait à son tour à M. Torelli : « Cela m’a fait du bien ! » Et du coup M. Bonghi a voulu envoyer les vers de M. Nigra à toutes les écoles d’Italie. Voilà un pays où il y a de la ressource malgré tous les malandrins de Sicile !

Ce n’est pas sans peine que l’Espagne revient de ses aventures révolutionnaires de ces dernières années. Elle ne se trouve pas seulement, quant à elle, en présence d’une insurrection bien autrement puissante qu’un simple brigandage, régulièrement armée, en possession d’une partie du pays, elle a aussi à se reconstituer elle-même, à réorganiser ses forces, à retrouver les conditions d’un régime régulier. C’est à tout cela qu’elle travaille depuis la restauration du jeune roi Alphonse XII. On peut trouver quelquefois qu’elle procède avec lenteur ; il faut bien cependant tenir compte des difficultés de toute sorte, militaires et politiques, accumulées par sept années de révolution, par deux années de dissolution anarchique et sanglante. Tirer une armée de l’état de décomposition militaire que la république avait créé, auquel le gouvernement du général Serrano n’avait pu encore remédier qu’incomplètement, payer cette armée avec un trésor vide, avec un crédit épuisé et un système d’impôts désorganisé, faire face à la fois à l’insurrection carliste et à l’insurrection de Cuba, qui absorbe plus de 70,000 hommes, reconstituer une situation politique régulière avec des partis travaillés par toutes les divisions, c’était là l’œuvre compliquée et laborieuse qui s’imposait dès le premier jour au ministère présidé par M. Canovas del Castillo. Le nouveau gouvernement n’a pas tout fait en six mois, c’est bien certain ; il a du moins augmenté sensiblement l’armée au prix de sacrifices qui dépassent de beaucoup les ressources actuelles de l’Espagne, et même avec cette augmentation ce serait une illusion de croire qu’on pouvait du premier coup, de haute lutte, aller enlever les retranchemens des carlistes dans la Navarre. C’est une opération qui, à elle seule, exigerait une armée nombreuse, peut-être près de 100,000 hommes. La