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vant la commission de l’élection Bourgoing ; il aurait eu dans tous les cas assez d’autorité pour mesurer avec prudence les communications qu’il croyait devoir faire. Malheureusement le ministère actuel, qui paie en partie pour ses prédécesseurs, doute aussi de lui-même, il hésite sur ses alliances comme sur la direction et le caractère de sa politique. Ce n’est point facile, il est vrai, d’avoir une politique nette et décidée, de s’ouvrir un chemin à travers une situation parlementaire fort troublée, entre l’ancienne majorité, qui n’existe plus, et la majorité nouvelle, celle du 23 février, qui n’inspire pas assez de confiance pour qu’on s’appuie absolument et exclusivement sur elle.

Non en vérité, ce n’est point aisé de passer à travers tous ces écueils, et rien ne le prouve mieux que le discours par lequel M. le vice-président du conseil est intervenu récemment à la première lecture de la loi sur les rapports des pouvoirs publics. L’apparition du chef du cabinet à la tribune a été tout au moins inattendue. Que s’est proposé M. Buffet ? A-t-il voulu sérieusement répondre à M. Louis Blanc et à M. Madier de Montjau, qui, sous prétexte de discuter la loi des pouvoirs publics, venaient de faire le procès de la constitution du 25 février, du gouvernement, de la situation tout entière ? Il ne pouvait ignorer que M. Louis Blanc et M. Madier de Montjau, ces vieux débris de 1848, sont isolés aujourd’hui dans leur parti, même parmi les républicains, et il perdait son temps à leur répondre. M. le vice-président du conseil, en paraissant accepter les deux discours qu’il relevait comme une sérieuse manifestation de parti, et en saisissant cette occasion de déployer une certaine raideur de langage à l’égard de la gauche tout entière, a-t-il espéré flatter la droite, la rallier dans une majorité conservatrice reconstituée ? Il devait bien savoir que c’était inutile, qu’il ne convertirait pas la droite, qu’il est toujours pour elle l’homme qui a aidé au succès des lois constitutionnelles. M. Buffet est entaché de ce vice originel, il porte devant les purs la responsabilité d’avoir fait passer le mot de république ! Il en résulte que M. le vice-président du conseil s’est placé dans cette attitude étrange d’un chef de gouvernement rudoyant ceux qui le soutiennent ceux qui voteront les lois complémentaires comme ils ont voté la constitution, et ménageant ceux qui sont ses ennemis. Que M. Buffet ne veuille pas se subordonner à la gauche, rien de plus simple ; mais enfin il faut bien être avec quelqu’un, à moins qu’on ne tienne à être seul, et la meilleure manière de ne pas se subordonner, c’est de conduire soi-même la campagne, d’imprimer la direction, d’accepter le concours des bonnes volontés qui s’offrent à tous, sans se hérisser inutilement dans les perplexités et les contentions d’esprit mal déguisées quelquefois sous des apparences de raideur.

Cette situation où la France se débat si péniblement, où il y a tant de choses à faire, a son principe dans des événemens qui dominent et