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M. le président de la république justement ému a cédé à un mouvement humain et spontané en partant aussitôt pour le midi avec M. le vice-président du conseil et M. le ministre de la guerre. Ils sont allés, les uns et les autres, porter à ces populations si cruellement éprouvées le témoignage vivant de la sympathie des pouvoirs publics et les premiers secours. L’assemblée a déjà voté un crédit qui est à peine le commencement de ce qui devra être demandé, de ce que le gouvernement se propose de réclamer. De toutes parts, en France et à l’étranger, des souscriptions s’ouvrent sous toutes les formes. Les secours ne manqueront pas, on peut en être sûr, ils se multiplieront sous l’influence d’une ingénieuse et libérale humanité : on pourrait même reprendre cette simple et généreuse inspiration du « sou des chaumières » qui a aidé à relever le village de Bazeilles détruit par la guerre ; mais les secours, si larges qu’ils soient, ne seront jamais que des secours à peine suffisans pour relever quelques ruines, pour adoucir les misères les plus pressantes, et puisque, par une curieuse coïncidence, ces désastres se reproduisent avec une sorte de régularité douloureuse, à des intervalles à peu près égaux qui laissent comme un répit, pourquoi ne point profiter de ce dernier avertissement, le plus cruel de tous depuis un siècle, pour prévenir au lieu d’avoir à réparer ? Pourquoi ne se préoccuperait-on pas, sans plus de retard, d’attaquer le mal par tous les moyens que la science peut offrir ? On ne réussirait pas sans doute à maîtriser entièrement le fléau des inondations ; peut-être pourrait-on l’atténuer, le régulariser en quelque façon ou le neutraliser dans son action dévastatrice ; peut-être, par des combinaisons de l’art, arriverait-on à briser, à diviser cette force aveugle qui se déchaîne à certains momens dans le bassin de la Garonne comme dans la vallée de la Loire ou dans la vallée du Rhône. Ce serait un sujet digne de l’habileté de nos ingénieurs, fait pour solliciter la prévoyance des pouvoirs publics. Plus d’une fois déjà des études ont été entreprises, il faudrait y revenir, et en présence des malheurs qui éprouvent en ce moment les populations du midi, qui doivent être l’objet d’un examen attentif, M. le ministre des travaux publics aurait pu, ce nous semble, remplacer utilement M. le ministre de la guerre auprès de M. le président de la république à Toulouse ; mais M. le ministre des travaux publics est provisoirement assez occupé à Versailles avec ses concessions de chemins de fer qu’il doit défendre pied à pied, et l’assemblée elle-même, tout en étant disposée à voter tous les subsides qu’on lui demandera, n’est pas moins occupée à se reconnaître au milieu de l’imbroglio politique où elle s’est fait une habitude de vivre.

Qu’en est-il cependant de cette politique qui se déroule assez nonchalamment, assez confusément dans le demi-jour de Versailles, — et surtout qu’en sera-t-il demain ? L’assemblée est-elle décidée à en finir avec