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catholiques l’ont mal payé de son zèle. Après avoir bravé le déplaisir des tories et des ultras anglicans en abolissant l’église officielle d’Irlande, M. Gladstone s’était proposé de transformer l’université protestante de Dublin en université mixte, et de permettre au catholicisme d’y planter sa tente et d’y déployer son drapeau. Cet acte de générosité n’a point été agréé par la curie romaine, à qui les institutions d’enseignement mixte ont toujours été suspectes. On y respire un air trop libre, les doctrines s’y relâchent, on y court le risque de devenir tolérant, d’apprendre à respecter ses adversaires en les voyant de près et de contracter des amitiés qui à la longue agissent sur les opinions. Rome s’est émue, Rome a parlé, et les prélats catholiques d’Irlande ont réussi par l’influence qu’ils exerçaient sur un certain nombre de membres irlandais du parlement à faire rejeter en février 1873 le bill proposé par M. Gladstone et par suite à renverser son ministère. Il est assez naturel que ce grave incident lui ait fait faire des réflexions, que cette intervention de Rome dans les délibérations du parlement anglais l’ait confirmé dans les craintes que lui avaient inspirées l’Encyclique, le Syllabus et les décrets du Vatican. Il s’est rappelé que dans toutes les transactions qui sont intervenues entre le gouvernement anglais et l’église romaine et qui ont amené l’émancipation civile et politique des catholiques de la Grande-Bretagne, ceux-ci avaient fait la profession la plus explicite de gallicanisme, qu’en 1789 241 prêtres, y compris les vicaires apostoliques, avaient protesté par un acte public que les catholiques anglais n’admettaient point l’infaillibilité du pape, et ne reconnaissaient à aucun pouvoir ecclésiastique le droit de s’immiscer dans aucune question touchant à la constitution, à l’indépendance, aux lois et au gouvernement du royaume. Il s’est souvenu d’une adresse pastorale parue en 1826, laquelle déclarait que l’infaillibilité du pape n’est point un article de foi pour les catholiques ; il s’est souvenu d’un catéchisme employé jusque dans ces dernières années à Maynooth, et dans lequel il est dit que les fidèles peuvent nier en sûreté de conscience que le pape, même parlant ex cathedra, soit infaillible. M. Gladstone en a conclu que le dernier concile avait opéré une révolution dans l’église, que cette église n’était plus celle avec qui Pitt et sir Robert Peel avaient traité, que désormais elle était inféodée « à ce système plus politique que religieux qu’on appelle en Allemagne le vaticanisme, » que le vaticanisme supprime tout contrôle, toute discussion et la liberté du consentement, que l’épiscopat a été gravement atteint dans sa dignité et dans son pouvoir, qu’il n’est plus comme par le passé en possession d’exercer une sorte d’arbitrage officieux entre Rome et les gouvernemens, qu’il est devenu l’instrument docile d’une volonté étrangère et souveraine, que les décrets du Vatican ont consacré la prétention du saint-siège de prononcer en maître sur toutes les questions qui intéressent le bonheur éternel des hommes, qu’il est très difficile de définir ce qui intéresse ou ce qui