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dévoiler les grandes lois, Agassiz n’avait nulle disposition à s’enfermer dans une spécialité. Malgré l’incroyable labeur qu’exigent les recherches sur les poissons, il s’occupe des mollusques et des zoophytes. Portant l’attention sur les animaux rayonnés les plus parfaits, les étoiles de mer et les oursins, pour les zoologistes les échinodermes, dont les débris fossiles abondent dans les couches de la terre, il détermine avec un art infini le plan de la structure et le mode de croissance de ces animaux. Frappé de l’intérêt de la comparaison des espèces pour l’histoire de la terre, il prépare sur ce sujet un travail qu’il achèvera plus tard avec le concours d’un excellent observateur, M. Desor. Considérant les coquilles et déplorant l’absence de notions sur les êtres qui les ont habitées, il s’aperçoit que le moule intérieur donne les formes de l’animal ; un nouveau moyen de saisir les ressemblances entre les espèces éteintes et les espèces vivantes était trouvé. Ainsi dans chaque rencontre, se révélait la perspicacité de l’investigateur.


II

Agassiz semblait voué d’une manière presque exclusive aux recherches de zoologie et de paléontologie ; mais une circonstance l’avait conduit à faire un rapport sur des observations relatives à la structure des glaciers que présentait Hûgi, l’un des plus savans géologues de la Suisse. Ne pouvant jamais rester indifférent aux questions qui s’agitent sur les grands phénomènes de la nature, il se passionne pour l’étude des glaciers. Les pentes du Jura, que le jeune naturaliste a si souvent explorées, offrent à son esprit les signes d’une révélation. D’autre part, deux habiles géologues viennent de reconnaître des faits dont la discussion doit répandre la lumière sur un âge de la terre antérieur à l’époque actuelle ; en un mot, une découverte de la science s’annonce.

Les glaciers ont une bordure de blocs arrondis qu’on désigne sous le nom de moraines. Poussées en avant ou abandonnées par les glaciers selon qu’ils progressent ou se retirent, les moraines fourniront des preuves des changemens survenus. Les blocs erratiques, masses de granit et d’autres roches primitives éparses sur les flancs des montagnes, témoins de nombreux bouleversemens, apprendront aux investigateurs ce qui a existé en des temps éloignés. Venetz et J. de Charpentier ont signalé la présence de moraines bien loin des glaciers. A de tels indices, le jeune professeur de Neuchatel entrevoit sur une partie du globe un état antérieur fort différent de l’état actuel. Le 24 juillet 1837, les membres de la Société helvétique