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coup d’œil l’importance des progrès accomplis, l’utilité des méthodes nouvelles et des inventions récentes. Aussi de tout temps les patrons intelligens ont-ils fait accompagner leurs produits par des contre-maîtres ou des travailleurs manuels qui avaient donné des preuves de capacité technique et d’intelligence éveillée ; mais les délégations ouvrières diffèrent notablement de ces choix, faite individuellement, par les divers fabricans dans le personnel qu’ils emploient. Au mois de septembre 1861, quelques ouvriers de diverses professions, pour la plupart présidens de sociétés de secours mutuels, adressèrent une lettre à l’empereur pour qu’il voulût, bien faciliter le voyage d’un certain nombre d’ouvriers français à l’exposition de Florence. Cette première démarche n’eut pas de succès : le ministre de l’agriculture et du commerce répondit aux signataires. de cette lettre que, l’exposition de Florence étant purement nationale et partielle, le gouvernement ne disposait d’aucun crédit pour des frais de voyage ou des missions dont elle serait l’occasion. Ce n’était pas, on le voit, un refus qui dût enlever tout espoir aux solliciteurs. On était à la veille de l’exposition de Londres ; les mêmes ouvriers s’adressèrent au prince Napoléon, président de la commission impériale. Cette fois la demande fut bien accueillie. On forma une commission ouvrière, composée de présidens de sociétés de secours mutuels ; on décida que cette commission aurait la responsabilité morale de l’œuvre et la mission d’organiser l’élection des délégués, que ceux-ci seraient choisis par le suffrage des ouvriers de leur profession, — que les fonds nécessaires à l’œuvre seraient recueillis d’abord par des souscriptions ! volontaires dans les ateliers, et que la ville de Paris et la commission impériale fourniraient chacune un subside de 20,000 francs.

La commission ouvrière adressa aux ouvriers de Paris une circulaire faisant appel à tous les dévoûmens, afin d’organiser dans chaque profession des bureaux qui fussent chargés de faire procéder à l’élection des délégués ; 50 bureaux électoraux furent constitués dans 50 professions différentes, représentant environ 150 spécialités et occupant plus de 200,000 ouvriers ; 200 délégués furent ainsi nommés ; ils furent envoyés à Londres par séries, chacune d’elles restant dix jours en Angleterre. Les départs successifs commencèrent le 19 juillet et se terminèrent le 15 octobre, ce qui laisse supposer qu’il n’y avait guère à Londres plus d’une vingtaine de délégués à la fois. Chacun d’eux recevait à son départ une somme de 115 francs et un billet de deuxième classe, aller et retour ; le logement et un repas, ainsi que les entrées à l’exposition, les interprètes et les frais accessoires étaient payés par le membre de la commission ouvrière qui accompagnait chaque groupe.

On voit dans quelles conditions officielles et avec quelles