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LES
ASPIRATIONS DES OUVRIERS
ET LEURS PROJETS DE REFORME SOCIALE

RAPPORT DE LA DELEGATION OUVRIERE FRANCAISE A L’EXPOSITION DE VIENNE.

Dans notre société, il y a deux grandes catégories de personnes qui se connaissent assez mal mutuellement, — les ouvriers et les bourgeois. Assurément les uns et les autres se rencontrent très fréquemment dans les mille occupations de la vie ; mais ces relations, quoique journalières, sont superficielles et spéciales, surtout dans les grandes villes. Elles ne portent guère que sur la commande, la livraison d’un ouvrage manuel et le paiement du salaire ; elles n’entraînent pour l’ordinaire aucun échange cordial et profond d’idées générales et de sentimens intimes. Nous connaissons beaucoup mieux le paysan que l’ouvrier ; nous pénétrons davantage dans l’intérieur du premier, nous sommes plus en rapport avec sa famille, les détails de sa vie habituelle nous échappent moins. L’ouvrier est au fond un monde inconnu que nous sommes obligés de deviner et où nous n’avons guère accès. Quels sont ses désirs, ses pensées, ses projets ? Est-il pacifique, est-il belliqueux ? Se contenterait-il de réformes de détail ? Prétend-il tout renverser et tout reconstruire ? Se résignera-t-il à une amélioration progressive de sa destinée ? Veut-il du premier bond réaliser sur terre l’idéal ? Voilà toute une série de questions sur lesquelles nous n’avons que peu de données. Les prétendus interprètes des ouvriers, ceux qui dans la presse ou à la tribune se déclarent leurs défenseurs,