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investigateurs est appelée sur les phénomènes de la vie embryonnaire. Le fils du pasteur de Motier, que sa disposition d’esprit porte vers l’examen scrupuleux des faits comme vers les grandes généralisations, est tout de suite entraîné dans le mouvement. Par une circonstance fortuite, l’achèvement d’un vaste ouvrage exige la connaissance de certains animaux ; personne n’est préparé pour l’exécution du travail, on invite le jeune Agassiz à se mettre à l’étude. De cette première étude, naît l’inspiration d’une œuvre colossale qui fera la gloire de l’auteur. Un caractère aimable, enjoué, un amour de savoir qui déborde, un goût de discussion sur les sujets les plus élevés, amènent à l’étudiant suisse de vives sympathies ; l’affection des maîtres, l’amitié de quelques camarades, laisseront pour toujours dans cette âme ardente des souvenirs pleins d’enchantemens.

Le professeur Döllinger avait pris le jeune Suisse dans sa maison. Maître d’un tact sûr, Döllinger comptera dans son bonheur d’avoir eu pour élèves Charles-Ernest de Baer, le principal fondateur de la science qui a pour objet l’évolution embryonnaire de l’homme et des animaux, et Louis Agassiz, le fondateur de la paléontologie des poissons. La chambre de l’étudiant devint salon de lecture, musée, bibliothèque, salle d’armes, lieu de réunion. Entre eux, les élèves s’exerçaient soit à discuter, soit à faire des leçons sur différentes matières. Souvent les professeurs assistaient aux luttes, encourageant les efforts, éclairant d’une parole une question controversée. Ce n’était point assez pour Agassiz des études de médecine et d’histoire naturelle, les idées philosophiques l’attiraient. Plusieurs années, il fut l’auditeur assidu des cours de Schelling, se préparant ainsi à la méditation sur les phénomènes de la nature avec le désir de remonter aux origines de la vie.

Deux savans, J.-B. de Spix, que l’on cite pour d’estimables travaux de zoologie, et Ph. de Martius, l’auteur célèbre d’une belle monographie des palmiers, s’étaient livrés, de 1817 à 1820, à de longues explorations dans l’intérieur du Brésil. À cette époque, la flore et la faune de l’Amérique du Sud n’avaient été observées que dans des limites bien restreintes ; les collections de plantes et d’animaux formées par Spix et Martius, contenant une foule d’espèces pour la première fois apportées en Europe, offraient un haut intérêt. Afin de présenter tout ce monde sous le jour le plus favorable, les deux voyageurs avaient entrepris une publication de grand luxe, mais Spix mourut en 1826, laissant la partie zoologique inachevée. Il ne s’était encore occupé ni de la détermination, ni de la description des nombreux poissons qu’il avait recueillis sur la côte et dans les rivières du Brésil. Qui donc maintenant pourra