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exploration de l’abîme. De pareilles entreprises font le plus grand honneur à l’amirauté anglaise, qui a libéralement mis ses navires et ses équipages à la disposition des savans désignés par la Société royale ; n’est-il pas permis de regretter, avec M. Martins, que cet exemple soit si peu suivi chez nous, et que notre marine semble devoir rester à l’écart des recherches scientifiques ?

Pendant que les naturalistes fouillent ainsi les mystères de l’abîme, les astronomes nous font de véritables révélations sur les origines et la destinée finale des corps qui tracent leurs orbites aux confins de l’univers visible. Depuis quelques années, ce sont les comètes qui ont le privilège de fixer leur attention ; elles sont devenues plus intéressantes à mesure que la possibilité d’expliquer les étranges phénomènes qu’elles présentent s’est laissé entrevoir. M. Amédée Guillemin nous dit où en est la science à cet égard dans l’instructive monographie qu’il vient de publier sur les Comètes. Laplace les considérait déjà comme de petites nébuleuses errantes, étrangères au système planétaire. Formées par la condensation de la matière cosmique qui paraît être disséminée avec profusion dans l’univers, elles cheminent en tous sens jusqu’à ce qu’elles rencontrent un soleil dont la puissante attraction les enchaîne pour un temps et les ajoute à son cortège. Il semble même qu’elles marchent par bandes ; de temps à autre, une comète isolée ou un groupe de comètes se détache du troupeau et va faire une visite dans le domaine d’un soleil voisin. C’est ainsi que ces astres chevelus nous arrivent des profondeurs sidérales ; quelques-uns s’attachent définitivement au soleil, d’autres, la plupart probablement, s’en vont de nouveau se perdre dans l’espace. Cependant la constitution de ces frêles messagers du monde stellaire est si faible qu’ils ne traversent pas sans dommage les régions sillonnées par les robustes planètes qui circulent autour notre soleil. « La houle que les ondulations de ces astres massifs engendrent dans l’éther est si forte, dit M. Guillemin, que les comètes, en naviguant dans ces parages agités, y subissent des avaries considérables : elles s’y disloquent parfois, s’y divisent en fragmens ; le plus souvent elles y laissent des débris qui voguent dans le sillon tracé par elles. C’est ainsi que les espaces interplanétaires sont parsemés de corpuscules que les planètes rencontrent dans leurs routes périodiques et qui viennent illuminer nos nuits de traînées lumineuses. Les étoiles filantes sont dues à ces rencontres. » C’est un astronome italien, M. Schiaparelli, qui a énoncé cette théorie hardie, qui rattache la science des météores à l’astronomie proprement dite et l’assujettit aux lois de la mécanique céleste. L’identité des orbites assignées par le calcul à certaines comètes et aux essaims périodiques d’étoiles filantes qui illuminent les nuits des mois d’août et de novembre donne à cette théorie une probabilité voisine de la certitude.

En courant ainsi de monde en monde, ces nébulosités errantes