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aux yeux de la foule, jusqu’au jour où un inventeur heureux l’approfondit, en aperçoit toute la portée, et le fait entrer dans les rangs des vérités militantes. Rarement une découverte porte le nom de celui qui l’a annoncée le premier ; ceux qui en cueillent la gloire ont généralement eu pour auxiliaires toute une suite de précurseurs, ou, pour mieux dire, l’intelligence collective de leur époque, car les idées ont bien moins d’individualité qu’on ne croit.

Voilà pourquoi il importe de répandre promptement les vérités acquises ; plus elles seront connues et en quelque sorte diffusées, moins le progrès se fera attendre. Les livres de science populaire, qui se chargent de cette diffusion des vérités utiles, remplissent donc un double rôle. Ce ne sont pas uniquement des moyens d’éducation supplémentaires qui contribuent à relever le niveau général de l’instruction ; ils font directement avancer la science en créant aux savans de profession dans la masse du public une foule d’auxiliaires ignorés dont le concours n’est point à dédaigner ; obscurs ouvriers du progrès, leurs efforts réunis font insensiblement avancer l’heure des grandes découvertes. Plus d’une fois d’ailleurs il est donné à un de ces humbles adeptes de cueillir lui-même les fruits d’une importante application et de faire ce que Bacon de Vérulam appelle la vendange à la suite des hommes de génie qui ont préparé le champ. Là est sans aucun doute un des grands services que peuvent rendre les livres de science populaire, et c’est pour cela qu’il faut souhaiter que les vrais savans ne dédaignent pas de se mêler à ceux qui se donnent pour tâche de rendre les conquêtes de la science accessibles à la foule.

Dans ces livres, qui s’adressent avant tout à la jeunesse, on néglige trop souvent ce qui surtout attire et captive : l’élément historique. De même que la route a parfois plus de charme que le but, le spectacle des luttes et des efforts qui mènent à une invention séduit bien plus l’imagination que l’exposition méthodique des connaissances acquises ; l’émotion vient ici au secours de la curiosité. Plus intéressante que la science faite est la science dans son devenir. C’est ce qu’a bien compris M. Louis Figuier lorsqu’il a entrepris cette série d’ouvrages illustrés qu’il a intitulés les Merveilles de la Science, et auxquels succèdent aujourd’hui les Merveilles de l’Industrie. L’auteur y déroule le tableau des admirables inventions scientifiques qui caractérisent notre siècle et qui sont si bien entrées dans toutes nos habitudes, que nous avons uni par n’y plus faire attention : la machine à vapeur et ses mille emplois, les innombrables applications de l’électricité, la photographie, les ballons, la poudre et les armes de guerre, l’éclairage au gaz, le chauffage, tout cet arsenal de commodités, de jouissances et de ressources dont nous sommes redevables aux efforts du génie moderne. On ne peut lire sans un vif intérêt ni parfois sans émotion le récit des combats soutenus par ces bienfaiteurs de l’humanité contre la mauvaise fortune, contre la