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encore des œuvres d’utilité publique, aqueducs, digues, lacs artificiels, destinés à l’aménagement des eaux pour l’irrigation. Malheureusement la plupart de ces grands travaux ne relèvent plus que de l’archéologie, car ils sont en ruines, et les souverains indigènes préfèrent consacrer aux dépenses de leurs cours les trésors qui leur restent. Dans certaines principautés, M. Rousselet a vu des rajahs ou des ministres qui seraient disposés à entreprendre des réformes. L’Angleterre, par l’influence de ses résidens, les seconde de son mieux ; mais les mœurs, les préjugés de castes et le sentiment religieux opposent des obstacles presque invincibles au progrès des idées européennes. Malgré les chemins de fer qui déjà la sillonnent, l’Inde conservera longtemps encore son antique originalité.

On serait tenté d’ouvrir l’ouvrage de M. Rousselet comme on ouvre, à cette époque de l’année, un livre d’étrennes. Il en a tout le luxe, les belles gravures, l’impression irréprochable. Quand on a commencé de lire le texte, on est retenu par l’intérêt du récit et par le charme des descriptions. Le panorama indien se déroule avec une abondance et une variété de détails qui ne lassent pas un seul moment l’attention. La personnalité du voyageur n’y apparaît que dans la mesure nécessaire, ce qui est un rare mérite dans les relations de ce genre. La plus grande partie du cadre est remplie par des scènes de mœurs se rattachant aux vieilles traditions, par d’utiles renseignemens historiques, par la description du pays et de ses monumens. L’Inde des Rajahs obtiendra certainement l’une des premières places dans la bibliothèque des voyages.


I. Les Merveilles de la Science, les Merveilles de l’Industrie, par M. Louis Figuier ; Fume et Jouvet. — II. Les Abîmes de la mer, par M. Wyville Thomson ; Hachette. — III. Les Comètes, par M. A. Guillemin ; Hachette. — IV. Bibliothèque d’éducation, et de récréation, publiée par la librairie Hetzel. — V. La Comédie de notre temps, par M. Bertall ; Pion.


La lenteur avec laquelle s’opère le progrès, les intermittences et les retours en arrière si fréquens, hélas ! sont un éternel sujet d’étonnement et de plaintes chagrines pour les observateurs superficiels qui suivent l’histoire des connaissances humaines d’un œil impatient et distrait. On est toujours porté à considérer chaque découverte comme un trait de génie isolé, comme un éclair qui illumine soudain une contrée inconnue, et l’on ne veut pas comprendre que l’obscurité ait pu se faire de nouveau. C’est que les vérités ne naissent pas viables avant l’heure. Elles sont longtemps dans l’air, pendant une période d’incubation où elles sont devinées par quelques esprits privilégiés, où toute une génération travaille silencieusement à préparer le terrain qu’elles devront féconder. Un fait déjà entrevu et même nettement énoncé par des chercheurs isolés peut rester longtemps stérile, à la fois découvert et caché