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empêcher le pays de mourir, et pour laisser la porte ouverte à une révision inévitable.

Au fond, on est d’accord sur tout, sur la nécessité d’une organisation, sur la plupart de ces lois si péniblement élaborées depuis un an. Par quoi reste-t-on divisé ? Par des défiances plus ou moins avouées, par des arrière-pensées. Les monarchistes craignent que, cette république de fait une fois admise, on n’en tire parti contre leurs opinions, contre les espérances qu’ils ne sauraient abdiquer ; les républicains craignent que les concessions conservatrices qu’ils peuvent faire ne tournent contre la république. Les chefs de partis disposés à s’entendre craignent de n’être pas suivis. Le centre droit attend les avances du centre gauche, qui à son tour attend le centre droit, et voilà comment on vit, au lieu de se dire que dans tout cela il ne doit y avoir ni vainqueurs ni vaincus, ni questions personnelles, ni même questions de parti, qu’il n’y a qu’un intérêt national à élever au-dessus de tout, à mettre à l’abri. Aujourd’hui l’assemblée est plus que jamais placée entre cette résolution nécessaire et une inévitable abdication. — Qu’à cela ne tienne, disent les légitimistes, les bonapartistes ; c’est ce qu’il faut, le maréchal de Mac-Mahon restera seul, pouvoir de circonstance dans le provisoire ! Que ceux qui sont assez dominés par l’esprit de parti pour ne point redouter de livrer le pays à tous les hasards parlent ainsi, c’est possible. Cette alternative extrême où l’on est arrivé est certes faite pour réveiller tous les sentimens de prévoyance chez les hommes patriotiquement éclairés, monarchistes ou républicains, qui croient que des institutions efficaces ne sont pas de trop pour aider la France à vivre, à retrouver la confiance dans la sécurité intérieure, et par cette sécurité les garanties d’un avenir nouveau.

L’inconvénient de cette crise laborieuse, agitée, d’organisation constitutionnelle qui promène le pays à travers des phases d’alanguissement et de surexcitation, c’est justement qu’elle tient tout en suspens, qu’elle ne laisse pas toujours une place suffisante à des questions qui reprendraient leur importance, qui pourraient être plus mûrement, plus librement résolues dans des conditions définitivement régularisées. On a cette loi des cadres qui a été proposée par une commission et remaniée par le gouvernement, qui touche à la constitution même de l’armée, à un intérêt national de premier ordre, aussi bien qu’à la situation personnelle d’une multitude d’officiers. Rien n’est certes plus pressant. On y arrivera ; mais il faut le temps à ce qu’il paraît, et maintenant la loi ne viendra point sans doute avant de nouvelles vacances, les vacances de Noël. Peut-être alors l’assemblée se trouvera-t-elle distraite par d’autres incidens qui la passionneront, qui réagiront sur une discussion d’où tous les conflits de partis devraient avant tout être bannis. Aujourd’hui ces questions, qui devraient être les premières, ressemblent à des