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il provoque l’entente de l’assemblée sans la devancer ; il remet au bout de tout l’éternel et inévitable point d’interrogation. Ce n’est pas sans peine, à ce qu’il paraît, ce n’est pas sans un travail de Pénélope poursuivi jusqu’à la dernière heure, que le gouvernement est arrivé à se fixer sur les termes du message, et ce n’est pas sans une certaine réserve que l’assemblée a écouté ces paroles, comme si de toutes parts il y avait de l’hésitation, comme si l’on s’arrêtait avec un fatalisme passif devant une situation que les pessimistes déclarent impossible et sans issue.

Jusqu’ici c’est une sorte de prologue parlementaire. D’un commun accord et avec un certain empressement qui n’est point dépourvu de naïveté, on semble avoir voulu ajourner les agitations, ces « questions si graves » dont parle M. le président de la république, pour laisser le pays et Paris tout entiers à leurs affaires de fin d’année. L’assemblée en profite pour discuter sur ce que M. Laboulaye appelait spirituellement ces jours derniers les « questions légendaires, » sur l’enseignement supérieur, sur la liberté des cultes, en attendant d’aborder peut-être la loi des cadres de l’armée, sur laquelle M. le vice-président du conseil et la commission ne s’entendent pas. Le ministère en profite, lui aussi, pour vivre en évitant autant que possible de se compromettre dans des débats qui n’ont probablement que peu d’intérêt pour lui.

Soit, les violences de partis et les crises ne sont guère favorables aux renouvellemens d’année, c’est un mois à passer. Il faudra bien cependant arriver au terme des ajournemens, des expédiens dilatoires ; il faudra bien sortir de ces confusions stérilement prolongées, et on n’en sortira qu’en se décidant une bonne fois à en finir avec tous ces procédés de petite diplomatie parlementaire véritablement peu dignes de circonstances aussi sérieuses, avec toutes ces subtilités et ces distinctions qui n’ont d’autre résultat que de brouiller et obscurcir les choses les plus claires, d’émousser chez la plupart des hommes le sens des grandes et fortes réalités de la vie publique. Il y a quelque temps, c’était l’inépuisable et monotone discussion sur le septennat personnel ou impersonnel, sur le régime défini ou définitif. Maintenant il s’agit de savoir si la révision constitutionnelle qu’on propose de réserver pour 1880 sera facultative ou obligatoire. Voilà les jeux où l’on s’amuse et l’on s’épuise ! Un jour, au temps de la fameuse commission des trente, de la première, il y a deux ans de cela déjà, M. Thiers donnait un nom assez irrespectueux à toutes ces combinaisons qu’on imaginait pour l’éloigner de l’assemblée, pour enchaîner sa parole ; il appelait ces combinaisons merveilleuses des « chinoiseries. » La politique, telle qu’on la fait, n’est plus qu’une chinoiserie où les plus habiles se perdent et où sûrement le pays ne voit ni n’entend rien. C’est assez en vérité de tous ces raffinemens équivoques qui ne sont le plus souvent que le dernier refuge de