Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/896

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désastres de 1870 devaient nécessairement introduire dans le régime politique et municipal de Paris, la troisième sur la reine Louise de Prusse, dont le souvenir évoqué si à propos se dressait entre le vainqueur et nous, pour condamner l’abus de la force et relever la notion du droit. C’est encore à la Revue que M. Cochin avait voulu donner ces pages généreuses, dictées par le même sentiment qui inspirait alors les lettres fortifiantes de M. Vitet.

Nous n’avons pas à retracer dans toutes ses phases la vie de M. Cochin. M. de Falloux s’en est chargé ; l’œuvre est faite et de main d’ouvrier. Il y a une telle conformité de sentimens entre le peintre et le modèle qu’on ne pouvait souhaiter une plus intime ressemblance. Il appartenait au biographe de puiser dans la correspondance familière de son ami, de le suivre à son foyer, de raconter ses joies domestiques ; il lui appartenait aussi d’exposer, d’expliquer les combats, les angoisses, les résolutions suprêmes de sa conscience dans les crises du catholicisme de nos jours. M. J.-J. Weiss disait dernièrement à propos de ce livre même qu’un récit complet du réveil religieux du XIXe siècle, comme celui que Sainte-Beuve a consacré à Port-Royal, devrait nécessairement accorder une place considérable à Augustin Cochin. La remarque est très juste ; or, grâce aux informations si détaillées que renferme cette biographie, surtout grâce à la délicatesse et la sûreté de touche dont M. de Falloux fait toujours preuve en ces délicates matières, le travail est bien simplifié d’avance. Pour nous, dans cette vie si pleine de bonnes pensées, si riche de généreuses entreprises, nous avons surtout cherché ce qui peut montrer le véritable esprit chrétien, c’est-à-dire la poursuite du mieux en toute chose, et la véritable politique chrétienne, c’est-à-dire une large inspiration de sympathie humaine et de concorde. M. Cochin a eu d’autant plus de mérite à suivre cette voie qu’elle devait l’exposer aux violences du fanatisme. « Je ne sais, dit M. de Falloux avec l’autorité qui lui appartient, je ne sais si de nos jours saint Bernard pourrait impunément répéter ses doléances contre les abus de son temps, et si certains journaux permettraient à saint Matthieu de dire encore que — tout docteur versé dans la science du royaume des deux est semblable à un père de famille qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes. — Aujourd’hui, pour nos publicistes transcendans, les choses anciennes ont toujours été irréprochables, les choses nouvelles sont toujours inutiles ou répréhensibles… » L’homme qui de son trésor chrétien tirait si utilement tant de choses nouvelles ne devait pas échapper à l’insulte. Il y eut contre lui à de certains jours, je cite les expressions de M. de Falloux, une véritable orgie de haine et de diffamation. M. Cochin a pu être affligé de ces fureurs,