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Pedro il a toujours secondé les représentans du pays qui se montraient favorables à l’émancipation des noirs, et on sait que le comte d’Eu, après ses brillantes victoires sur le Paraguay, a tenu à honneur de prononcer l’abolition de l’esclavage dans le pays pacifié par ses armes. M. Cochin, malgré ses réserves, pouvait donc se féliciter ; il pouvait aussi, heureux de ce résultat, s’en servir pour stimuler l’Espagne et prévoir que l’institution infâme ne tarderait pas à être abolie sur toute la surface du monde chrétien. « L’Espagne, disait-il, la première à renouveler l’esclavage dans l’histoire moderne, sera la dernière à effacer cette souillure ; mais ce sera certainement, bon gré mal gré, à bref délai. Qui sait ? L’abolition de l’esclavage dans le monde chrétien, réclamée il y a cinquante ans par quelques hommes de cœur obstinés, que l’on était bien près de trouver ridicules, sera peut-être à la fin du XIXe siècle le seul triomphe complet, la seule gloire sans ombre et sans reproche de notre génération agitée. »

C’est ici, c’est dans la Revue, que M. Cochin a écrit ces nobles paroles. Il avait, on le sait, un autre organe de publicité auquel l’attachaient d’anciennes et intimes relations personnelles ; il ne croyait pas devoir s’y confiner à tout jamais. On nous permettra bien de dire, sans manquer à aucune convenance, que M. Augustin Cochin, chaque fois qu’il voulait s’adresser au grand public, se présentait volontiers à cette tribune où nous sommes heureux aujourd’hui de lui rendre témoignage. Il était assuré d’y trouver toujours l’accueil dû à l’élévation de son talent. Déjà, en 1868, il avait publié dans la Revue des Deux Mondes une excellente étude sur l’état de la question de l’esclavage à Cuba et à Porto-Rico. C’était la suite de la vaste enquête qu’il avait si vigoureusement ouverte. En 1870, à propos d’un autre sujet qui avait été aussi une de ses pensées maîtresses, il comparait le régime administratif et financier des grandes capitales dans le monde entier. Une étude faite pièces en mains sur l’organisation municipale de Londres, de Paris, de Vienne, de Berlin, de Genève, de Bruxelles, de New-York, lui montrait que Paris et New-York, les deux plus grandes capitales du globe après Londres, représentaient à cette date les deux régimes les plus opposés, celui où le gouvernement règle tout à l’exclusion des représentans de la commune, celui où les conseils populaires règlent tout à l’exclusion du gouvernement. Est-il besoin d’ajouter que ce sage et libéral esprit plaçait la vérité entre ces deux excès ? Pendant le siège de Paris, consacrant aux ambulances son activité patriotique, allant chercher nos blessés jusque sous les batteries prussiennes, il trouvait encore le temps d’écrire trois études, l’une sur le service de santé des armées, l’autre sur les modifications que nos