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les institutions du monde nouveau, il entreprit de montrer ce que produirait l’application des doctrines de l’Evangile aux problèmes qui tourmentent notre âge. C’était prouver à la fois que la société moderne a besoin du christianisme, et que le christianisme, supérieur à toutes les vicissitudes sociales, ne se désintéresse d’aucune des questions pratiques où est engagé le sort de l’humanité. L’Académie des Sciences morales et politiques en 1847 avait mis au concours l’examen critique du système d’instruction et d’éducation de Pestalozzi, considéré principalement dans ses rapports avec le bien-être et la moralité des classes pauvres. M. Cochin était déjà sérieusement initié à l’étude des classes pauvres ; dans ses voyages à l’étranger, dans ses courses plus instructives encore à travers les quartiers populeux de la grande ville, il n’avait négligé aucune occasion d’interroger les ouvriers. Sa charité persuasive avait reçu bien des confidences. Il avait touché du doigt les misères du corps et les misères de l’âme. Il connaissait les pères, les mères, les enfans. Il aurait pu dire comme le poète, en promettant au peuple ses censures loyales :

Enfant du vieux Paris et des piliers des halles,
J’ai vu le fond secret de maint noir atelier
Et plus d’un cœur mauvais sous plus d’un tablier.
Je fais sa large part aux gênes de la vie,
Sans jamais excuser la bassesse et l’envie.
Mais il est en tout temps des écrivains menteurs ;
Comme jadis les rois, le peuple a ses flatteurs.
Ceux qui plaignent le pauvre au riche font la guerre,
Car, les devoirs du pauvre, ils n’en parlent plus guère.
Je voudrais l’éclairer par un double savoir,
En face de son droit, lui montrer son devoir…

C’est ce qu’il fit en répondant à l’appel de l’Académie des Sciences morales ; il traita ce sujet en philosophe, en économiste, et par-dessus tout en chrétien. Philosophe, il veut que l’instituteur se rende compte de certaines choses desquelles dépend tout le reste. D’où vient l’enfant ? Il a un père, une mère, une famille ; il faut donc savoir ce que représente ce mot et de quels devoirs il éveille l’idée. Quels sont les moyens de connaître que Dieu a donnés à l’enfant ? Il a des instincts, des facultés, une force qui pense et qui veut ; il faut diriger ces instincts, développer ces facultés, régler cette force : nous voilà au cœur de la philosophie. Pour quel but doit être élevé l’enfant ? Pour le service de la communauté sociale ; c’est l’idée de patrie qui apparaît. Enfin ces devoirs divers étroitement enchaînés, devoirs envers la famille, envers lui-même, envers la patrie, qui donc en inspire l’amour et en fournit la sanction ? La pensée de