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pamphlets, les conversations, tel était l’emploi du temps. Dès qu’on voyait Montlosier aux tribunes de l’assemblée, on le regardait et on riait. Il y rencontrait souvent d’anciens collègues du côté gauche de la constituante. Un jour il s’y trouvait auprès d’Alquier ; ils avaient eu déjà de violentes altercations. Alquier se mit à causer franchement de la situation du roi et des affaires publiques. Montlosier lui fit l’aveu qu’il venait de Coblentz, et que, selon toute apparence, il y retournerait bientôt. — « Vous avez raison, répondit Alquier ; que feriez-vous ici ? Un homme de votre naissance ne peut être aujourd’hui qu’à Coblentz et auprès des princes. Si j’étais noble, je ferais comme vous. Nous autres, membres du tiers-état, nous étions dans une condition abaissée ; on nous a donné les moyens de nous relever, nous l’avons fait ; c’est la raison d’être de la révolution. » Cette conversation méritait d’être transcrite ; elle disait tout.

Voulant voir par lui-même tout ce qui attirait l’attention et la curiosité, Montlosier s’avisa d’assister à une représentation de Charles IX. Il y fut reconnu et à tous les entr’actes hué, sifflé à outrance ; on lui criait, et avec assez de raison : « A Coblentz ! à Coblentz ! » Il lui parut prudent de sortir quelques momens avant que la pièce ne fût finie ; mais l’objet principal de son séjour à Paris était de conférer avec Malouet et ses amis politiques. Un jour fut pris ; ils se réunirent en petit comité. Clermont-Tonnerre, Mallet Du Pan, Rhulière, y assistaient.

Il est impossible, quand on lit dans les mémoires inédits de Montlosier le récit de cette conférence, de croire que des esprits éclairés aient pu sérieusement avoir confiance alors dans la durée du gouvernement monarchique. Nous cédons la parole à Montlosier. « Mes amis, dont quelques-uns croyaient avoir la confiance du roi, confiance qu’ils partageaient avec M. de Bertrand et M. de Montmorin, m’assurèrent que le roi se défendrait. Ils jugèrent seulement qu’il ne devait s’écarter en rien des formes constitutionnelles. Je proposai de faire demander aux prêtres de service au château un serment à la constitution avec les réserves de M. de Bonald. Je proposai d’en faire de même relativement aux émigrés. Tant qu’il y avait en France un exemple de violence et d’outrage, l’émigration n’était pas seulement un droit, elle était de toute justice. Relativement aux prêtres, mes amis pensèrent à peu près comme moi ; il n’en fut pas ainsi relativement à la noblesse. Trompé par les plus fausses suggestions, le roi, non pas la reine, désirait quelquefois sincèrement la rentrée des princes et celle des émigrés. Cet abandon de toute la noblesse de France lui était tout à fait triste. Ce n’était pour lui qu’un entourage ; mais cet entourage, surtout au lever et au coucher, il semblait ne pouvoir plus s’en passer. La position, disait-il,