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sauver ; avant tout, nous voulons nous sauver de M. de Lafayette. » Montlosier était mécontent de cette attitude ; il était surtout affligé d’apprendre que le roi mettait toute sa confiance dans les forces étrangères. Il eût préféré que Louis XVI, malgré ses répugnances, fût entré, de concert avec le parti constitutionnel, dans un plan vigoureux de défense. Malouet et Mallet Du Pan étaient du même avis. « Il me restait, dit Montlosier, quelques inquiétudes du côté de la reine, dont les dispositions m’étaient moins connues et qu’on disait extrêmement animée. J’étais dans de bons rapports avec M. de Fontanges, archevêque de Toulouse, que la reine aimait et voyait souvent. Je le priai de me dire quels étaient ses sentimens. Il me répondit que, selon ce qu’il avait pu découvrir, la reine avait eu, ainsi que le roi, pendant quelque temps des espérances à l’égard du régime constitutionnel, mais qu’au moment présent elle n’en avait plus, qu’elle était décidée à suivre en tous points les erremens qui seraient tracés par le roi, mais que pour son goût particulier elle avait horreur de toute assemblée délibérante. » Le sort de la révision ne pouvait être dès lors douteux.

Il n’y a pas du reste de document plus intéressant et rendant avec plus de sincérité les impressions des derniers royalistes libéraux que la lettre adressée le 26 août 1791 à M. de Bouille par M. de Gourvernet, fort attaché au parti constitutionnel. « Notre malheureuse étoile, écrivait-il, fait qu’au moment où les démocrates eux-mêmes sentaient une partie de leurs torts, ce sont les aristocrates qui, en leur refusant leur appui, s’opposent à la réparation. » En effet, la veille même des débats, d’Éprémesnil montait à la tribune, protestant, au nom du côté droit, contre tous les décrets et annonçant la ferme résolution de ne plus prendre part à aucune espèce de discussion : la révision fut alors rapide. Au moment où il signalait le vice principal de la constitution de 1791, qui avait placé la souveraineté du peuple en face du droit héréditaire de la couronne, Malouet fut interrompu par les murmures. Aucune discussion ne s’éleva ni sur l’unité du corps législatif, ni sur ses rapports avec le pouvoir exécutif. Les quelques modifications proposées ayant été repoussées, Thouret crut devoir déclarer, au nom des deux comités, que les changemens apportés par les dernières décisions de l’assemblée ôtaient au pouvoir exécutif la force qui lui était indispensable. Quand il fut décrété ensuite que l’acte constitutionnel serait présenté à l’acceptation royale, Montlosier, jugeant que tout discours serait inutile, se leva à son tour et demanda acte de son silence.

Le parti des constitutionnels avait échoué comme celui des monarchiens. Lafayette a prononcé sur ses amis ce jugement éclairé : « ils ne regardaient, dit-il, tout ce qui n’était pas la déclaration des