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Monarchie française. Sa femme étant morte après sept ans de mariage, il retrempa son énergie dans des études d’un autre genre. La nature des montagnes volcaniques d’Auvergne et les curieuses recherches de MM. de Malesherbes, Guessard et de Saussure avaient vivement frappé l’imagination de Montlosier. Encouragé par quelques amis, piqué aussi par le désir de la contradiction, il fit paraître en janvier 1789 sa Théorie des volcans d’Auvergne.

C’était donc bien par la curiosité un esprit du XVIIIe siècle ; il en était même par ses singularités et ses manies. Il alla jusqu’à s’engouer de Mesmer ; que dis-je ? comme Bergasse et d’Éprémesnil, il devint un fervent adepte du magnétisme. Pendant son exil en Angleterre, il ne résista pas au désir de donner quelques consultations, et il a écrit et imprimé que le magnétisme avait été pour lui à beaucoup d’égards une source de lumières. Enfin il manquerait une nuance à ce caractère si original et si complexe, si nous ne rappelions que, chrétien convaincu, ayant prononcé à la constituante une des plus belles paroles qu’elle ait jamais entendues, Montlosier était, par l’indépendance de sa conscience, du pays des Arnaud, de Domat et de Pascal, en tout point le futur auteur du célèbre Mémoire à consulter, qui fit tant de bruit sous la restauration. Tel était le collègue de Malouet, de Lafayette, de Gauthier de Biauzat, comme lui députés d’Auvergne à l’assemblée nationale. Quand il y vint siéger, les théories constitutionnelles empruntées aux institutions anglaises venaient de subir un échec complet.

Grâce aux physiocrates, on était assez éclairé en France sur les questions d’administration ; mais la science politique était à peu près nulle. Montesquieu avait dit que « les ministres de son temps ne connaissaient pas plus l’Angleterre qu’un enfant de six mois. » Depuis la mort de ce grand homme, qui donc à la cour songeait à jeter les yeux au-delà de la Manche ? Qui donc, à la veille de la convocation des états-généraux, avait des idées précises sur le rôle qu’ils avaient à remplir ? On n’est pas sûr que ce beau monde ait lu et compris les cahiers des bailliages. Les mémoires du temps nous l’apprennent, l’apparition de l’Esprit des lois en 1748 avait été un événement moins politique que littéraire. Le livre de Delolme sur la Constitution d’Angleterre, publié en 1771, était estimé de nos voisins avant d’être connu en France. Toutefois depuis dix ans un profond changement s’était opéré dans la bourgeoisie. On s’était mis à étudier les chapitres VI et XXVII des livres IX et XIX de l’Esprit des lois. Mallet Du Pan en 1788 publiait dans le Mercure des articles qui étaient un exposé substantiel de la constitution anglaise. Résultat d’efforts longuement accumulés, cette constitution ne saisissait pas les imaginations françaises, enthousiastes, pleines d’idéal, amoureuses en politique de métaphysique et d’abstraction. Rousseau