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sterling, soit 1 milliard 270 millions de francs de titres de la dette publique. C’est le vice presque irrémédiable des emprunts en rentes perpétuelles qu’il faut pour les racheter des miracles de prévoyance et de persévérance pendant plusieurs générations. Aussi toute nation qui a le souci de son avenir ne devrait-elle jamais recourir au crédit public que sous la forme d’obligations amortissables par tirages périodiques. L’excédant normal de 3 millions de livres sterling, qui était une des recommandations les plus pressantes du comité des communes de 1828, figura très rarement dans les budgets postérieurs de la Grande-Bretagne. Comme le disait M. Gladstone en 1862, l’une des difficultés les plus grandes pour un ministre des finances, c’est de savoir sauvegarder un excédant notable des recettes sur les dépenses. Cet excédant a tant d’ennemis : les contribuables qui réclament des diminutions d’impôts, les diverses administrations qui veulent des augmentations de dotation, les intérêts les plus respectables, comme ceux de l’éducation nationale et des travaux publics. M. Gladstone, par une citation latine, laissait spirituellement entendre qu’un ministre des finances n’avait jamais de repos que lorsqu’il n’avait pas d’excédant à sa disposition :

Cantabit vacuus coram latrone viator.

L’indifférence de l’Angleterre pour l’amortissement de sa dette ne doit pas nous servir, de modèle. La restauration se montrait plus prudente quand elle allouait à ce service une dotation annuelle de 40 millions de francs. Loin de nous de réclamer l’affectation de ressources spéciales à cet objet, comme on le fit alors et comme on le décida de nouveau en 1868 ; mais il serait bien que le gouvernement et les assemblées prissent la résolution de faire figurer dans chaque budget un crédit de 100 ou 150 millions pour la diminution de la dette, soit flottante, soit consolidée. Ce serait l’imitation des décisions de la chambre des communes de 1828. Chaque budget, en plus des dépenses ordinaires ou extraordinaires, devrait être calculé de façon à présenter un excédant de 100 ou 150 millions pour cette destination ; cette somme ne serait d’ailleurs employée au rachat de titres de la dette publique qu’après que la réalité de l’excédant aurait été constatée. Les finances françaises pourraient très bien supporter cette charge : elle serait moindre que celle que M. Thiers y avait introduite et qui montait à 200 millions pour le remboursement à la Banque. Ces 100 ou 150 millions serviraient provisoirement à continuer ce remboursement, et une fois qu’il serait terminé ou que le solde de la dette envers la Banque aurait été consolidé par un traité analogue à celui qui a été passé entre la Banque d’Angleterre et l’état, l’annuité de 100 ou de 150 millions deviendrait libre pour le rachat des titres de la dette consolidée.