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consent pas à une diminution d’intérêts. Notez même que, lorsqu’il s’agit d’emprunts d’état, on offre au rentier de lui rembourser notablement plus que ce qu’il a prêté, puisque les états ont la malheureuse habitude d’emprunter au-dessous du pair et que naturellement ils ne peuvent imposer le remboursement qu’au pair. Voilà donc une mesure bien innocente. Comment se fait-il qu’on l’ait parfois mal comprise ? C’est qu’on l’a quelquefois inutilement compliquée.

Sans faire ici un exposé complet des nombreux exemples de conversions de dettes publiques qu’offre l’histoire, disons seulement quelques mots des opérations de ce genre qui se sont pratiquées en Angleterre. C’est à Robert Walpole qu’est due la première conversion de la dette anglaise. Toute la dette britannique était à cette époque en 6 pour 100 ; mais, le crédit s’étant affermi, en 1715 on put faire un emprunt en 5 pour 100 consolidé émis au pair. On jugea qu’il y avait une anomalie à continuer le paiement d’un intérêt de 6 pour 100 aux créanciers de l’ancienne dette ; on leur offrit l’option entre le remboursement du capital qui leur était dû ou la réduction de l’intérêt à 5. La grande majorité des porteurs de rentes consentit à la conversion, qui procura au trésor une économie annuelle de 8 millions de francs sur les intérêts de la dette. Le crédit de l’état continuant de s’améliorer, en 1729, en 1750 et en 1757 on fit toute une série de conversions nouvelles pour transformer le 5 pour 100 en 4 et le 4 pour 100 en 3. L’ensemble de ces mesures accomplies dans un délai de quarante-deux ans réduisit de moitié l’intérêt des anciennes dettes de la Grande-Bretagne, et valut au trésor une économie annuelle de 31,675,000 francs, somme énorme pour le temps. A la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe toute une dette nouvelle avait été créée pour pourvoir aux frais de la guerre contre l’Amérique et de la guerre contre la France. Comme toujours, les emprunts de cette époque avaient été contractés à un taux d’intérêt assez élevé, parce que les capitaux étaient rares alors et que l’Angleterre était entourée de périls. Une fois la paix conclue, les fonds publics se relevèrent ; ceux qui avaient été émis en 5 pour 100 atteignirent et dépassèrent le pair. Que firent alors les hommes d’état de la Grande-Bretagne ? Exactement ce qu’avaient fait Robert Walpole et ses successeurs immédiats. Nous assistons, à partir de 1822 jusqu’en 1854, à toute une série de conversions nouvelles ayant pour résultat final de réduire des deux cinquièmes par des mesures successives l’intérêt des anciennes dettes, et de transformer en 3 pour 100 la totalité de la dette britannique. L’économie annuelle dont cette série de conversions accomplies depuis 1822 fit profiter les budgets anglais est de 90 millions de francs. Nous ne parlons pas ici d’un système spécial de