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viagère en déduisant le montant des retenues et autres produits affectés au service des pensions civiles ; c’est encore 107,342,000 francs. En additionnant tous ces élémens de la dette non consolidée, on arrive au chiffre de 277,500,000 francs pour le service des intérêts de la totalité de cette dette et de l’amortissement graduel de quelques-uns des chapitres qui la composent. Si enfin on ajoute ces 277,500,000 fr. d’arrérages des dettes diverses aux 748,303,653 fr. de rentes de la dette consolidée, on a le poids total de notre dette publique : il est de 1 milliard 26 millions de francs en intérêts. Le poids de notre dette publique est donc onze fois plus considérable qu’en 1814, même en tenant compte de l’arriéré qui existait à cette époque, quatre fois plus qu’en 1852, enfin il est de plus du double du poids de la dette française à la date du 1er janvier 1870.


IV

La dette publique de la France dépasse de beaucoup aujourd’hui celle des autres pays civilisés. Les intérêts de la dette nationale du royaume-uni de la Grande-Bretagne et de l’Irlande ne s’élèvent qu’à 650 millions de francs en chiffres ronds. Quant aux États-Unis, en 1870, d’après les recherches de M. Dudley-Baxter, les charges réunies de la dette fédérale et des dettes particulières des états exigeaient une annuité de 690 millions. Sur le continent européen, les nations qui passent pour les plus obérées, l’Autriche-Hongrie, la Russie, l’Italie, ne paient pour leurs dettes qu’une somme annuelle qui varie entre le tiers et la moitié de celle qui figure pour le même service dans nos budgets. C’est environ 30 fr. par tête ou 120 fr. en moyenne par famille que les Français paient pour les fautes du passé, car, dans cette immense charge qui pèse sur la France, il n’y a qu’une très petite fraction qui représente le prix de travaux utiles, et qui ait eu pour compensation un développement de la richesse nationale. On peut estimer à 2 milliards au plus la partie de notre dette publique qui a pour origine de grands travaux ou des améliorations matérielles : une forte partie des emprunts du règne de Louis-Philippe, une moindre part des deux derniers emprunts de l’empire, ceux de 1864 et de 1868, les annuités pour le rachat des ponts et des canaux et pour la construction de chemins de fer, forment ces 2 milliards. Or la dette actuelle de la France représente en capital à peu près 23 milliards de francs. D’après les évaluations les plus favorables, la richesse tant mobilière qu’immobilière de la France monterait à 150 milliards de francs au maximum ; la dette publique serait donc, avec l’ensemble de la fortune des Français, dans le rapport de 1 à 7.

Pouvons-nous et devons-nous porter éternellement ce fardeau ?