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compte 60 millions déjà prêtés à l’état par cet établissement de crédit avant la guerre et un solde qui sera employé cette année même. La Banque a rendu à la France d’immenses services alors, elle en a été d’ailleurs magnifiquement récompensée ; mais ce que l’on ne saurait assez louer, c’est le véritable prêteur, anonyme et inconnu, le public, qui acceptait de confiance ces billets dont la circulation augmentait chaque jour, et qui ne se laissait pas impressionner par le souvenir de nos assignats ou par l’exemple des fâcheux effets du cours forcé chez plusieurs nations voisines. On sait quel arrangement a été pris pour rembourser la Banque : une annuité de 200 millions en capital doit lui être versée jusqu’à l’extinction de la dette. Il faut avouer que cette combinaison a été de tous points excellente. Le trésor n’a dû payer que 1 pour 100 d’intérêt, tandis qu’un recours au crédit public lui eût coûté vraisemblablement 6 1/2 ; d’un autre côté, la circulation, qui eût été trop restreinte par la disparition d’une partie de notre stock métallique, a trouvé une compensation dans l’augmentation des billets ; enfin, sauf pendant quelques semaines au début, le billet de banque n’a pas fléchi. Il n’y a absolument rien à dire des 92 millions que l’état s’est procurés par la négociation des rentes de la caisse de la dotation de l’armée.

Les deux grands emprunts de 2 milliards 226 millions et de 3 milliards 498 millions méritent plus d’observations. On s’est demandé si ces emprunts, ou du moins le dernier et le plus considérable, n’eussent pas pu être évités soit par un sacrifice volontaire et patriotique des capitalistes de tous degrés, soit par une imposition extraordinaire sur le capital de tous les Français. On sait quel bruit ont fait jadis ces deux propositions : dans le public et dans la presse, elles ont rencontré de chaleureuses adhésions. L’idée de recueillir soit 3 milliards, soit tout au moins 500 millions par des dons et des libéralités patriotiques était séduisante ; mais elle témoignait d’une assez grande légèreté d’esprit. L’enthousiasme national peut donner 20 ou 30 millions, peut-être même une centaine : c’est évidemment la limite extrême. Le sentiment même de justice, qui veut que chacun contribue suivant sa fortune aux charges du pays, se trouvait atteint par une proposition qui tendait à faire supporter la plus grande partie de l’indemnité de guerre par les personnes les plus généreuses et les plus désintéressées. Le second projet, celui de recourir à une contribution de guerre extraordinaire prélevée une fois pour toutes sur le capital des particuliers, semblait plus logique et plus justifiable. Quoi de plus simple, disait-on, que de répartir sur chacun sa part des charges nationales ? Le compte sera réglé immédiatement. L’assemblée n’aurait plus besoin de s’ingénier à trouver des impôts nouveaux pour payer l’intérêt de la dette augmentée : chaque particulier ferait des efforts pour regagner par