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agitaient l’Europe depuis 1840 avaient sur les budgets une influence mauvaise, elles ne réduisaient pas les recettes, elles enflaient les dépenses. Si l’on examine les résultats généraux des budgets de 1814 à 1868, tels qu’on les trouve consignés dans le Compte général de l’administration des finances pour 1869, on est frappé du relâchement qui peu à peu s’est introduit dans notre gestion financière. De 1819 à 1829, tous les exercices ont présenté un excédant de recettes, sauf l’exercice 1827. De 1840 à 1848 au contraire, toutes les années ont présenté un déficit notable. Si, au lieu de comparer les deux périodes finales des deux régimes, on met en regard les résultats financiers définitifs de chacun d’eux, on voit que l’ensemble des recettes de la restauration équivaut aux dépenses, sauf un découvert vraiment insignifiant de 20 millions de francs pour quinze années. Il s’en faut au contraire de 997 millions de francs que les recettes des dix-huit années de la monarchie de juillet aient couvert les dépenses de la même époque.

Pendant les trois années que dura la république de 1848, la dette de la France fut plus augmentée que pendant les vingt-cinq ans qui s’écoulent de 1823 à 1848. Les dépenses s’accrurent en même temps que les recettes se réduisirent ; les engagemens trop considérables de la dette flottante devenaient exigibles, et les dépôts des caisses d’épargne étaient réclamés au trésor dans un moment où il n’avait pas même assez de ressources pour faire face à ses dépenses courantes. Le gouvernement de 1848 se livra donc aux emprunts sous les formes les plus variées, tantôt s’imaginant que les capitalistes iraient faire les plus grands sacrifices en faveur du régime nouveau, tantôt contraignant les porteurs de bons du trésor ou de livrets de caisses d’épargne à recevoir des rentes au pair, c’est-à-dire à 30 ou 40 pour 100 au-dessus du cours, en remplacement de leurs créances exigibles. La dette consolidée de la France fut augmentée de 53 millions de francs de rentes durant ces trois années, et elle montait en 1852 à 231 millions d’intérêts annuels en chiffres ronds. Ce n’était pas encore le tiers de la dette publique de l’Angleterre à la même époque.

Le régime de 1852 nous fait marcher à pas de géant dans la voie des emprunts. Il débute cependant par une excellente mesure, l’une des plus irréprochables et des plus efficaces que présente l’histoire financière de la France, nous voulons parler de la conversion du 5 pour 100 en 4 1/2, admirablement exécutée par M. Bineau sur le modèle des conversions britanniques ; mais bientôt la série des guerres commence. Par une de ces contradictions qui sont fréquentes à notre époque, les travaux de la paix sont poussés avec activité en même temps que les armemens militaires. Les chemins de fer qui bientôt sillonnent tout le pays, le développement de la