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en France ; le mérite en est inégal. Les deux premiers modes sont évidemment défectueux, les deux derniers sont plus parfaits ; mais un état n’a pas toujours le choix entre les divers procédés d’emprunts. S’il n’a qu’un crédit précaire, s’il lui faut de l’argent dans le plus bref délai, si les sommes dont il a un besoin pressant sont d’ailleurs restreintes, il se voit parfois obligé de placer directement des titres à la Bourse ou de les négocier sans publicité et sans concurrence à des maisons solides et de bonne volonté. C’est à ces deux moyens que recourut la restauration pour tous ses emprunts de 1816 à 1818 : c’est aussi le second de ces procédés qu’employa en 1870 la délégation de Tours pour l’emprunt appelé Morgan. Dans de pareilles circonstances, l’état doit payer cher les capitaux qu’il se procure. La restauration emprunta ainsi, de 1816 à 1817, plus de 414 millions de francs effectifs. En 1818, le crédit du nouveau régime était mieux établi, on avait appris à connaître par l’expérience de quelques années la prudence de son administration. L’état eut alors l’audace de faire un appel direct au pays et de lui demander par la voie de la souscription publique un capital nominal de 292 millions de francs, représentant un versement effectif de 197 millions. Il se produisit ce que l’on a toujours vu depuis, un empressement inouï aux guichets du trésor, une sorte d’emportement général pour obtenir quelque parcelle de l’emprunt en vue d’une plus-value probable : la somme de rentes offerte par l’état fut onze fois couverte par les demandes du public, les fonds haussèrent en quelques mois de près de 20 pour 100 ; mais ce succès inespéré eut bientôt son revers. Une foule de souscripteurs s’étaient engagés au-delà de leurs ressources et ne pouvaient faire face aux échéances : la rente baissa dans la même proportion qu’elle avait monté. La restauration, qui était un régime sérieux et réfléchi, jugea sévèrement, après cet essai, la méthode des souscriptions publiques ; jamais elle n’y revint. Les financiers de la restauration et du gouvernement de juillet préférèrent le procédé de l’adjudication à des maisons de banque : trois grandes opérations de crédit, en 1821, en 1823 et en 1830, furent faites suivant cette méthode.

Si le mode d’émission d’un emprunt, la manière dont il vient au jour et se répand dans le public a de l’importance, les conditions substantielles de l’emprunt, le prix et l’époque de remboursement, le taux de l’intérêt, en ont une plus grande encore. Tous des emprunts de la restauration, sauf le dernier, celui de 1830, furent constitués en rentes perpétuelles 5 pour 100. Le crédit de l’état ne permettait pas, surtout dans les premières années, de négocier aux banquiers ou de placer dans le public ces titres au pair, c’est-à-dire au cours de 100 francs pour chaque rente de 5 francs ; on les écoula à des taux beaucoup plus bas qui s’échelonnèrent de