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les mœurs et les costumes byzantins, ont préparé bien des soucis aux archéologues ; on n’en a pas encore bien expliqué la présence dans le lieu saint.

Ce qu’il y a d’admirable à Sainte-Sophie, ce sont les mosaïques. L’une, qui décore la paroi cintrée derrière l’autel, représente la vierge Marie. On peut critiquer le dessin des bras, celui des vêtemens ; cette image colossale, de près de 5 mètres de hauteur et qu’on voit de presque tous les points de l’église, n’en est pas moins d’un effet imposant. Une inscription grecque l’accompagne : « Dieu est au milieu d’elle, et elle ne sera point ébranlée… » Elle rappelle ce nom de muraille indestructible qui a été donné à cette partie de l’église et qui est bien justifié, car elle a survécu à toutes les catastrophes et reste encore debout dans le temple régénéré avec ses mosaïques contemporaines de Jaroslaf. Plus bas est représentée la cène ; mais la personne du Christ est dédoublée : à droite du tabernacle gardé par les anges, on le voit distribuer son corps à six des apôtres ; à gauche, aux six autres il distribue son sang. Cette manière bizarre de mettre en lumière le principe de la communion sous les deux espèces se retrouve également dans des fresques de Novgorod et sur une nappe d’autel brodée au XVe siècle par une princesse de Riazan. D’autres mosaïques représentent des saints ; mais la partie inférieure en est détruite, et on a dû les achever en peinture à fresque. Toutes ces mosaïques avec leurs cubes dorés ont un éclat puissant et très doux : les fonds d’or des peintures qui les avoisinent semblent à côté d’elles un grossier clinquant. Enfin une des richesses archéologiques de Sainte-Sophie, c’est le sarcophage de son fondateur : les sculptures qui le décorent, les croix latines, les poissons, les palmes, rappellent un peu le style des catacombes romaines.

Le monastère des Cavernes ou la Lavra, le premier en dignité des monastères russes, a reçu également la visite du congrès. Parmi ses dix ou douze églises, plusieurs sont fort remarquables ; mais dans les antiquités religieuses dont fourmille, comme une autre Rome, la ville sainte des Slaves, il faut choisir. J’ai hâte d’arriver aux catacombes. Il y en a deux séries : les proches, qui sont dédiées à saint Antoine, les éloignées, qui portent le nom de saint Théodose. Ces cavernes sont creusées dans le flanc de la montagne, parallèlement au cours du fleuve. Pour y arriver, on descend une longue rampe en pente douce, de chaque côté de laquelle une collection de mendians et de culs-de-jatte, comme n’en a jamais rêvé la Cour des miracles, vous poursuivent de leur psalmodie nasillarde. L’on entre dans les souterrains par l’église de l’Exaltation ; ils sont de proportions et de diamètre assez réguliers, mais s’entre-croisent et