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plusieurs broderies un singulier ornement, le svatiska bouddhiste, la croix gammée que M. Alexandre Bertrand, directeur du musée de Saint-Germain, a observée sur des monumens qui ne semblent avoir aucun rapport avec l’Inde, ni avec le bouddhisme, sur les urnes toscanes de Chiusi, de Caere, d’Albano, sur les fusaïoles et les vases découverts à Troie par M. Schliemann, sur d’autres vases très anciens de la Grande-Grèce, de Milo et d’Athènes. Comment le svatiska se retrouve-t-il sur des tabliers brodés par des paysannes dans les gouvernemens de Novgorod et d’Orel ? La piste à suivre nous est peut-être indiquée par ce fait, qu’on le constate aussi dans des broderies de villages finlandais, vosiaques ou mordves. Une partie des Finnois de la Russie orientale ont reçu à une certaine époque des missionnaires bouddhistes. Quant aux dessins purement russes, ils représentent volontiers des arbres, des chevaux, des coqs, même des hommes et des femmes traités d’une façon grotesque. On voit que l’artiste ne s’est point préoccupé de la nature, mais a reproduit indéfiniment, en les empirant par une sorte d’hiératisme villageois, les dessins traditionnels. — M. Volkof a lu au congrès un mémoire où il se livre aux mêmes recherches sur l’art populaire de la Petite-Russie. Les broderies ukrainiennes durèrent par le style, par le choix des couleurs, des types grand-russiens. M. Volkof a mis sous les yeux des assistans un très grand nombre de dessins reproduits sur du papier quadrillé comme un canevas. Il fait remarquer la prédominance des imitations de végétaux et croit aussi retrouver çà et là des influences asiatiques. Tandis que dans la Russie moscovite c’est le rouge qui prédomine, dans la Russie kiévienne on combine les fils rouges et bleus, ce qui donne à ces broderies un cachet de distinction tout particulier. Dans la Galicie et la Bukovine, on admet aussi la couleur jaune.

Beaucoup de mémoires ont été consacrés à des recherches archéologiques et historiques sur les églises et les monastères de l’empire, sur l’art slave et byzantin, sur les usages ecclésiastiques de la Russie. M. Ternovski s’est demandé par exemple d’où provenait la coutume de suspendre dans les sanctuaires les vêtemens des princes. Il estime que les souverains russes voulaient y laisser un monument d’eux-mêmes ; ne pouvant consacrer dans ces églises leurs portraits ou leurs statues, ils y consacraient leur parure. M. Savaïtof, auteur d’un travail estimé sur le costume des grands-princes et tsars de Russie, a fait observer que les donateurs devaient avoir un autre but, celui de concourir, par l’étalage de leurs robes princières, à l’ornementation et à la splendeur du temple.

Parmi les monumens littéraires qui ont été étudiés dans le congrès, citons d’abord un manuscrit glagolitique de la bibliothèque