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n’emprunterai à son mémoire que ce qu’il raconte du grand tumulus n° 3. Les découvertes qu’il y a faites suffiront pour donner une idée de toutes les autres. Ce tertre s’appelait la Tchernaia Mohila (la Tombe noire) ; la tradition populaire y voyait la sépulture de Tcherni (le Noir), fondateur de Tchernigof. Cette tombe avait la forme d’un cône tronqué dont la base inférieure avait 127 mètres de tour, la base supérieure 32 mètres ; la hauteur perpendiculaire était de 10m,65. Au côté sud et au côté ouest, malgré l’éboulement des terres, on distinguait encore les traces d’un large fossé circulaire. Quand on eut enlevé la couche de gazon qui recouvrait le sommet du monument, on trouva quatre fortes briques de grandeurs inégales, la plus grande posée sur la plus petite, comme si elles eussent servi autrefois de base à un monument ; elles étaient reliées ensemble par un ciment de chaux extrêmement tenace. Sous la dernière brique, on mit au jour une colonne quadrangulaire, en bois de chêne à moitié rongé, d’un mètre au moins de hauteur, et dont l’extrémité inférieure, plongeant dans l’intérieur du tumulus, reposait également sur une brique. On creusa encore trois mètres plus bas, et l’on découvrit une masse métallique amalgamée par l’action du feu et de l’oxydation ; elle se composait de deux casques de fer dont l’un portait intérieurement et extérieurement la trace d’un placage de cuivre ; à l’intérieur, les vestiges d’une sorte de coiffe en tissu avec des boutons et une bordure d’or, — de deux cottes de mailles si bien fondues par la flamme qu’on pouvait à peine distinguer le mode d’agencement des mailles, — de deux cornes d’aurochs enrichies à leur extrémité d’une garniture d’argent ; l’une de ces garnitures avait un dessin d’ornement, l’autre présentait des figures d’hommes et d’animaux d’un type analogue à celui des fresques de Sainte-Sophie à Kief. Deux monnaies byzantines du Xe siècle, à l’effigie des empereurs collègues Basile et Constantin, donnaient approximativement la date de cette sépulture. D’ailleurs, si toute cette masse portait les traces évidentes de l’action du feu, ce n’est pas ici qu’a eu lieu l’incinération : en cet endroit du tumulus, il n’y avait ni cendres ni charbon. On continua à creuser ; 3 mètres 1/2 plus bas, on arriva à un amas de cendres et de charbon qui avait bien 10 ou 11 mètres de diamètre et 1m,80 de hauteur à son centre. Dans ce bûcher étaient pêle-mêle des os brûlés d’hommes, de chevaux, d’oiseaux, de poissons, des grains de seigle, d’orge et d’avoine, en un mot les vivres que le défunt avait voulu emporter comme provisions de route dans son voyage vers l’autre monde. On y recueillit une multitude d’objets qui avaient appartenu à ce guerrier : 2 glaives, 2 piques, 2 sabres recourbés, 2 couteaux, des étriers, des javelots, formaient une nouvelle masse métallique que la fusion