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M. Pogodine de s’écrier : « Ah ! qu’il est difficile à l’homme russe d’être russe. » Cette fois, au congrès de Kief, c’était l’homme non russe qui se trouvait embarrassé. Les langues étrangères et les autres idiomes slaves n’étaient point proscrits, mais on ne les admettait qu’à certaines séances, qui prenaient alors le caractère le plus babélique. Telle fut par exemple celle du 19 août, dans laquelle le bénédictin Béda-Doudik discourut en allemand sur les tumuli de la Moravie, M. Dzialovski en polonais sur ceux de la Posnanie, M. Novakovitch en serbe sur le rôle qu’ont joué dans l’histoire des Russes et des Slaves du sud les Tatars, destructeurs de Moscou, les Ottomans, conquérans du Danube. Telle fut encore celle du 24, où MM. Martin et Joseph Kollar produisirent deux mémoires en tchèque, et où M. Wankel fit lire en russe un travail primitivement rédigé en allemand. Un Français à qui toutes ces langues sont familières, M. Louis Léger, présidait la seconde de ces séances et assistait le président de la première.

L’exposition d’antiquités occupait deux grandes salles du palais universitaire. Le catalogue, qui malheureusement n’a pu paraître que vers la fin du congrès, comprenait 1,212 numéros ; il y avait en outre 253 manuscrits. Sous des vitrines, on voyait les fragmens de fresques ou de mosaïques, de marbres ou de briques, les débris d’inscriptions grecques qui sont aujourd’hui presque tout ce qui subsiste de deux des plus vieilles églises de Kief, la Déciatine (la Dîme) et Sainte-Irène ; puis des croix d’or et de bronze, des émaux, des panagiae d’un beau travail byzantin, des diptyques avec des inscriptions helléniques qui viennent des empereurs de Constantinople, des icônes antiques, parmi lesquelles on admire celle de la mère de Dieu de Cherson, des évangiles avec une reliure d’argent incrustée de pierreries, des crosses et des mitres d’évêques ou d’igoumènes, précieux envois des plus illustres monastères de la Russie ; puis une infinité d’instrumens des temps préhistoriques, des marteaux de granit, des haches de diorite, des rasoirs de silex, des aiguilles en os, des débris de colliers multicolores, des bracelets et des pendans d’oreilles, aux formes étranges, sortis de tous les tumuli de la Russie, de l’Oural et de l’Altaï. Aux armes de l’âge de pierre succède une riche collection d’armes de bronze et de fer. Ce qui attire surtout le public, c’est une masse énorme de métaux oxydés, où l’on démêle des cottes de mailles, des casques, des glaives, fondus ensemble sous l’action du feu. Ce chaos archéologique appartient au professeur Samokvasof, qui a rempli trois vitrines de près de deux cents objets, le butin de ses campagnes savantes. Il y aurait peut-être intérêt pour nos musées archéologiques à se procurer les photographies, éditées au nom du congrès, des pièces