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savoir se battre et mourir. Voilà ce qu’on apprend, si médiocre élève qu’on soit d’ailleurs, dans nos écoles de grec, de latin, d’histoire et de philosophie.

Nous ne voulons négliger aucune objection. On peut nous dire que cette aristocratie n’est pas suffisamment rassurante pour l’esprit conservateur. Nous ne partageons pas cette inquiétude quand nous examinons une à une toutes les classes dont se composerait notre corps électoral. Nous y trouvons de sérieuses et sûres garanties pour tous les intérêts qui ont droit à une protection efficace. Est-ce par exemple la classe des magistrats qui inquiétera ces intérêts ? Nul ne le croira. Est-ce la classe des ministres des cultes ? Encore moins. Est-ce la classe des officiers de l’armée ou celle des fonctionnaires publics ? Ce serait plutôt l’esprit de liberté ou de progrès qui pourrait réclamer, à tort selon nous. Serait-ce par hasard la classe des professeurs, cet ordre aussi dévoué dans l’accomplissement de ses devoirs que modeste dans ses prétentions ? Il faudrait le bien mal connaître pour en concevoir de l’ombrage. Ne serait-ce point la classe des médecins, et surtout celle des avocats qui inspirerait des défiances ? Nous ne nions pas que, dans ces deux ordres, il ne puisse se rencontrer quelques élémens d’agitation politique et de révolution sociale ; mais ce serait leur faire injure que d’y exagérer le nombre des rêveurs et des déclamateurs au point d’en faire le caractère propre et distinctif de ces classes. Quant aux classes de la propriété et de l’industrie, si l’esprit conservateur était chassé de partout par le vent des révolutions, nous pourrions dire que c’est là qu’il aurait ses dernières forteresses. Et après un examen si rassurant, si l’esprit conservateur n’est pas satisfait, nous tenons tant à son concours, dans l’œuvre qu’il s’agit de fonder, que nous offririons de nous entendre avec ses représentans sur la proportion à établir entre les diverses classes qui formeraient ce corps électoral. Nous ne reculerions point par exemple devant l’idée de la commission, proposant de donner à la propriété un tiers du nombre total des électeurs. Sur ce point, comme sur d’autres, nous serions de bonne composition. Ce qui nous paraît capital dans la constitution d’une seconde chambre, c’est le principe, c’est-à-dire la représentation la plus complète possible de l’aristocratie sociale actuelle dans le corps d’électeurs qui doit la nommer. Plus nous réfléchissons sur cette question, plus nous nous affermissons dans la pensée que la constitution du sénat ne doit être cherchée ni dans le suffrage universel direct ou indirect, ni dans le suffrage restreint d’une classe de censitaires, ni dans un système de catégories composées d’un petit nombre d’électeurs. Le suffrage universel direct ou indirect, libre ou enfermé dans des catégories, ne peut donner tôt ou tard