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III

Troisième question : comment doit-être formée cette chambre ? Est-ce par l’élection ? est-ce par la nomination, soit de l’autre chambre, soit du pouvoir exécutif, avec ou sans la présentation du pouvoir législatif, soit enfin par un mélange de membres élus et de membres nommés ? On sait que le projet de M. Thiers fait sortir le sénat tout entier de l’élection, tandis que M. de Broglie, d’accord en cela avec la commission, compose son grand-conseil de membres élus et de membres nommés. Sans entrer dans le détail des divers systèmes d’élection proposés par les uns et les autres, il suffira de discuter sommairement les principales questions que soulève la constitution d’une seconde chambre. Et d’abord sera-t-elle élue par un corps électoral quelconque, ou sera-t-elle nommée par l’un ou l’autre des pouvoirs ? Quand on propose la nomination par la première chambre, ainsi que vient de le faire un publiciste qui aime surtout les solutions auxquelles personne n’a pensé avant lui, ce n’est pas une institution qu’on veut fonder, c’est un simple expédient qu’on imagine pour sortir d’embarras. Autrement un sénat nommé par la chambre des députés serait plus qu’inutile. En tout cas, il ne serait là que pour donner à la première chambre, déjà trop forte, une nouvelle force contre le pouvoir exécutif, qui peut avoir besoin d’être soutenu. Encore une fois, nous ne comprenons l’idée du publiciste que comme expédient. Seulement, si c’est pour conjurer un grand péril social, nous préférons tout simplement une dictature. Cela au moins ne trompe personne. Faire nommer le sénat tout entier par le pouvoir exécutif n’est venu à l’esprit que d’un membre de la commission, M. Tallon, dont nous nous plaisons d’ailleurs à reconnaître la sage pensée sous une apparence paradoxale. Dans son projet, c’est bien le pouvoir exécutif qui nomme les sénateurs ; mais, comme il ne peut les nommer que sur une présentation faite par certaines catégories d’électeurs, en réalité cette nomination n’est guère qu’une simple formalité ratifiant une véritable élection. Cette idée nous paraît assez ingénieuse, et préférable à la nomination pure et simple d’un certain nombre de sénateurs par le pouvoir exécutif., Nous n’y ferions pas trop d’objections, si nous avions le moindre goût pour tout ce qui ressemble à une intervention du pouvoir exécutif dans la constitution d’une seconde chambre.

Ce qu’il nous faut examiner de près, c’est le principe même du système qui attribue au pouvoir exécutif la nomination directe des membres de la seconde chambre, quelle que soit d’ailleurs la