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divinités prennent corps et s’individualisent pour ainsi dire, les conceptions mythiques, nées des images auxquelles a recours le langage, se développent et se transforment en même temps que la langue parlée. Vers la fin de la période védique commencent à se dessiner déjà les théogonies et les cosmogonies dont la floraison remplit la période brahmanique, à laquelle succède plus tard celle du bouddhisme. Dans la littérature védique elle-même, on distingue sans peine plusieurs couches mythologiques superposées qui correspondent à des phases diverses, bien qu’il ne soit pas toujours aisé de les séparer nettement. Parmi les hymnes des Védas, les uns n’expriment que l’enthousiasme ou la terreur qu’inspirent les puissances tantôt bienfaisantes, tantôt destructives et redoutables de la nature ; dans d’autres, ces puissances sont devenues des héros qui soutiennent des combats et qui obéissent à des passions humaines. Puis les divinités apparaissent comme des abstractions sublimes, ou bien elles descendent sur la terre et sont vénérées sous une figure matérielle. Toutes ces phases se reconnaissent dans les monumens de l’âge védique.

Ces transformations graduelles ne s’opèrent pas sans une certaine confusion, et l’exégèse des Védas devient épineuse par les contradictions que l’on rencontre à chaque pas dans les rapports de parenté et de filiation des diverses divinisés de cet olympe populeux. On comprend aisément qu’à l’origine ces rapports n’étaient guère réglés que par les caprices de l’inspiration des poètes sacrés, qui établissaient des rapprochemens plus ou moins fantaisistes entre les phénomènes qu’ils personnifiaient sous des noms divins. C’est ainsi que l’on voit par exemple le ciel, Dyo, uni comme époux à Prithivi, la Large, c’est-à-dire la terre ou bien la nue céleste ; en cette qualité, on le nomme Dyo Parganya, le dieu du tonnerre et de la pluie. Puis le même couple semble aussi représenter le jour et la nuit, et on l’invoque sous le nom de Devaputre, qui signifie auteurs des dieux. Parfois encore le dieu Parganya est le fils du ciel. Enfin le ciel lumineux et le ciel nocturne se confondent dans un seul être suprême, Indra, qui porte le nom de DivaspaH, maître du ciel, qui est célébré dans les hymnes comme père de Dyo et de Prithivi, mais qui s’appelle aussi au féminin Aditi, la voûte infinie, mère des dieux. On voit qu’il est presque impossible de séparer nettement ces conceptions mystiques aux formes vagues et mobiles, dont les contours changeans échappent à toute délimitation précise.

Des filles du ciel, la plus belle est l’Aurore, et les hymnes qui lui sont consacrés comptent parmi les plus poétiques que nous aient laissés nos aïeux aryens. On l’y trouve d’abord considérée comme le splendide phénomène qui frappe l’imagination, et gratifiée d’une foule d’épithètes qui rappellent les impressions qu’elle provoque : parmi ces épithètes, on en remarque plusieurs qui signifient l’agile, la mobile, celle qui marche, et comme les mêmes mots étaient employés pour désigner la vache