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de leur tracer une voie, et sans despotisme, mais non sans conviction, de les y maintenir. Il lui importe de prêcher une doctrine ; c’est ce que faisait Louis XIV lorsqu’il disait son mot fameux : « ôtez de là ces magots. » Il savait bien, avec son instinct si sûr de la vraie grandeur, que ce sont les Poussin et les Lesueur qui font la gloire d’une époque, non les Teniers et les Vouwermans.

Les musées deviennent aujourd’hui l’endroit où cette sollicitude se doit marquer avec le plus d’éclat, car, nous l’avons dit, ils ne sont pas seulement une récréation pour les yeux, un luxe dont un pays se pare, une sorte de capital dont il touche les intérêts ; ils sont encore la serre chaude où les talens naissent, où ils peuvent entrer en possession d’eux-mêmes et se développer.

L’histoire de la collection du Louvre a été souvent écrite, il n’y a pas lieu de la recommencer. Cette collection est une des plus nombreuses entre celles que l’on cite en Europe ; c’est un mince mérite, dira-t-on. Elle en a d’autres heureusement qui dès longtemps et malgré ses pertes lui ont assigné le premier rang parmi les autres collections rivales. Le musée du Louvre, et c’est là sa supériorité véritable, peut répondre presque toujours, souvent avec éloquence, aux interrogations de la science. Les plus grands noms de l’histoire de l’art y sont représentés avec éclat, et, quant aux autres, il offre encore des échantillons suffisans de leur manière. Sans doute, si l’on veut étudier Michel-Ange ou Raphaël, Corrège ou André del Sarto, il ne coûte pas d’avouer que Rome, Florence ou Parme ont gardé du génie de ces artistes supérieurs des témoignages qu’elles seules ont la gloire de montrer ; mais avec bien moins de succès on demanderait à ces villes des preuves suffisantes de la valeur des écoles étrangères. Cependant, par cela même que le musée du Louvre peut se vanter d’une nomenclature plus riche, on est en droit de regretter qu’elle soit incomplète. Comment se faire en le parcourant une idée des origines de la peinture en Italie devant les rares et médiocres fragmens qui ne peuvent avoir la prétention de les raconter ? Les documens manquent surtout pour étudier ces grandes écoles mystiques de Flandre et d’Allemagne, et si l’on ne savait avec quelle coupable folie ont été dispersées les pages de notre propre histoire, on serait plus étonné encore en voyant le nombre infime d’œuvres qui rappellent nos maîtres primitifs dans le premier des musées français. Aussi avec quelle joie accueillit-on la nouvelle de l’acquisition de la galerie Campana ! On se le rappelle. Que de vides se trouvaient comblés à la fois ! Le catalogue promettait des merveilles : pour la peinture seule, 646 toiles représentaient presque tous les noms connus de la grande école italienne, et les plus nécessaires étaient les plus nombreux. Hélas ! il en fallut rabattre lorsque les juges furent appelés au contrôle. La