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même trou, sans arrêter ses chevaux, une enveloppe cachetée où est en petite monnaie le change de votre billet. Le montant de la somme contenue est imprimé sur l’enveloppe. Vous décachetez et jetez dans la boîte le prix connu du passage. La mystérieuse cassette, d’application récente, a excité la colère des cochers d’omnibus, qui auparavant volaient une partie des courses qu’on leur payait. C’était, paraît-il, chose entendue. Au mois de juin dernier, ils se mirent tout à coup en grève, et, au grand ébahissement des habitués de Broadway, les antiques voitures cessèrent un beau matin de fonctionner. Cela dura pendant quelques jours. Les cochers exigeaient une augmentation de gages, depuis qu’ils ne pouvaient plus voler. Comme on ne pouvait marcher avec des cochers d’occasion, car le métier est rude et demande une grande pratique, on finit par composer et s’entendre. Les patrons en furent quittes pour augmenter d’un quart la paie allouée aux anciens drivers. Tout d’abord ceux-ci avaient rossé quelques novices qui avaient voulu prendre leur place et s’étaient permis de monter sur le siège sans avoir fait d’apprentissage. Il est inutile de dire que ce genre d’entreprise est libre, qu’aucune ordonnance de police ne le régit et ne limite le nombre des omnibus.


IV. — LA CITE IMPERIALE ET LE MONDE AMERICAINS.

Ceux qui ont vu un plan de ville américaine savent que les rues s’y croisent à angles droits, à la façon des lignes d’un damier. Dans toute l’Amérique du Sud, le système des quadras ou pâtés rectangulaires de maisons a été adopté dès le principe, comme on peut le voir en visitant Lima, « la ville des rois, » ou Santiago, la belle capitale du Chili. On ne tarda pas à faire de même à New-York dès qu’on eut rompu avec la tradition anglaise, c’est-à-dire vers la fin du siècle dernier. Alors les rues, au lieu de porter des noms distincts, Wall, Beaver, William, Pearl, prennent des noms de nombre ; pour en distinguer la direction, on appelle avenues celles qui vont du sud au nord, parallèlement à l’Hudson, auquel les rues proprement dites sont perpendiculaires. On a eu de la sorte la rue ou l’avenue première, deuxième et ainsi de suite. Déjà la 205e rue est tracée au bord de la rivière de Harlem, et au-delà l’on continue. Par ce système, un étranger perdu au milieu de la ville trouve en un clin d’œil, sans plan, la direction qu’il doit suivre, et de plus, comme ce qu’on appelle un bloc ou pâté de maisons, — une île, comme nous disons en France et comme disaient les Latins, — a généralement, dans le sens des rues ou des avenues, une longueur régulière, il connaît aussi la distance qu’il doit franchir pour se transporter d’un point à un autre. Ainsi, les rues transversales aux avenues se