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baie ne communique avec l’Océan que par un goulet resserré, les Narrovos ou les Étroits, qui est borné d’un côté par l’Ile-Longue aux plages basses, sablonneuses, et de l’autre par l’île verdoyante et boisée de Staten, où sont de superbes résidences. Staten-Island est le rendez-vous favori, en été, de ceux que leurs affaires retiennent le jour dans la grande ville, et qui ne peuvent aller au loin chercher le calme, l’ombre et la fraîcheur que les chaleurs torrides de New-York rendent indispensables.

Sur l’une et l’autre rive de l’Hudson s’alignent les quais où mouillent, chacun à une place connue, les navires à vapeur. Sur la rive de Jersey-City et d’Hoboken, ce sont entre autres les fameux steamers des compagnies Cunard et White-Star, qui desservent la Grande-Bretagne, puis ceux de Brème et de Hambourg. Sur l’autre rive sont les quais des compagnies Inman, Guion, National, Anchor, et ceux de la compagnie transatlantique française. L’Océan est devenu comme un grand fleuve entre l’Amérique et l’Europe, et ce fleuve est sans cesse sillonné par la vapeur. Il part de New-York, il y arrive tous les jours jusqu’à six et huit steamers européens. Le Havre, Liverpool, les ports allemands, ne sont plus qu’à neuf jours de l’Amérique.

Sur la même rive où nous étions tantôt, ancrent aussi les magnifiques steamboats qui remontent l’Hudson jusqu’à Albany, et ceux qui, par la rivière de l’Est et le Sound, vont jusqu’à Boston ou seulement jusqu’à Newport et Providence. Ceux-ci, véritables villes flottantes, sont cités parmi les plus grands et les plus luxueux de tous les navires à vapeur, et jouissent, dans tous les États-Unis, d’un renom populaire justement mérité. Voici encore les steamers plus modestes qui touchent aux ports atlantiques de l’Union, à Charleston, à la Nouvelle-Orléans, ou bien à la Havane, au Mexique, au port d’Aspinwall ou Colon, où arrive le chemin de fer de Panama. De l’autre côté, sur le Pacifique, attendent les gigantesques steamers qui font le service de Californie.

Le mouillage des navires à vapeur de la ligne du Mexique est voisin de la pointe de Castle-Garden. En tournant cette pointe, nous rentrons dans la rivière de l’Est, où s’entassent les navires à voiles, les clippers à quatre mâts, venus de tous les ports du globe. Les charrettes qui vont et qui viennent, portant les lourds ballots, l’encombrement des marchandises qu’on embarque ou qu’on décharge, les omnibus et les voitures qui essaient de se glisser à travers tous ces embarras, la foule bruyante des passans, matelots de toutes les nations, vendeurs ambulans de toute catégorie, tout un monde de gens sacrant ou pris de vin, l’interminable alignement, devant un quai déjà trop étroit, de buvettes, d’auberges, de magasins bariolés, les ponts de débarquement des bacs vomissant à chaque