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L’élan subit qu’a pris cette ville depuis la fin du XVIIIe siècle ne s’est plus arrêté. En 1807, c’est sur les eaux de l’Hudson que navigue le premier bateau à vapeur, celui de Fulton, le Clermont ; il remonte, pour son premier essai, de New-York à Albany, en emmenant des voyageurs. En 1825, le fameux canal de l’Erié est achevé et met New-York en communication directe, par l’Hudson, avec les immenses lacs du nord, véritables mers intérieures, et les plaines fertiles de l’ouest que l’on commence à coloniser. Arrivent bientôt les chemins de fer. En 1831, le grand railroad de l’Erié, qui se dirige vers les mêmes lieux que le canal, est décrété, et c’est grâce à ces deux voies économiques, comme à sa position exceptionnelle sur l’Océan, à la beauté, à la sûreté, à l’amplitude de son port et du fleuve large et profond qui y débouche, que New-York devient bientôt sans conteste la première ville des deux Amériques. En 1842, elle assure contre toutes les chances de l’avenir le service de ses eaux potables par la construction du bel aqueduc de Croton, que bien des capitales de l’Europe lui envient. Ni les incendies, ni les épidémies, ni les révoltes armées de la rue, qui viennent par momens la surprendre, ne peuvent enrayer un progrès continu. Ses édifices privés et publics se multiplient. Depuis un siècle, la population de cette ville étonnante double tous les vingt ans ; elle dépasse aujourd’hui un million d’âmes.

Il n’y a que deux ports au monde qui font plus d’affaires que New-York, ce sont Londres et Liverpool. En un- clin d’œil, New-York a laissé bien loin derrière elle les villes ses sœurs qui lui avaient un moment disputé avec éclat la prééminence. La Nouvelle-Orléans, assise aux embouchures du Mississipi, San-Francisco, reine du Pacifique, ne pourraient même songer à lui contester un jour le premier rang, et encore moins, dans l’Amérique du Sud, Rio-Janeiro et Buenos-Ayres, aussi heureusement situées, qui commandent des territoires encore mieux dotés de la nature, mais où les hommes ont moins d’énergie et moins d’audace. New-York s’est décorée elle-même, dans un élan de légitime orgueil, du titre de cité impériale, Empire-City ; on va voir qu’elle le justifie sous plus d’un rapport.


I. — LE VIEUX NEW-YORK. — LE QUARTIER DES AFFAIRES. — LES JOURNAUX.

Il existe un plan curieux de New-York dressé cinquante-quatre ans après l’occupation anglaise, en 1728. Un remarquable fac-similé en a été récemment obtenu par des procédés héliographiques, et l’on peut le voir suspendu aux vitrines des principaux libraires de la grande cité commerçante. D’un côté sont gravées les armes de « son