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faire inscrire les noms de ceux qui devaient avoir part à ces distributions ; elles-mêmes furent consacrées par de solides garanties qui en restreignaient l’abus et en assuraient la durée. Les citoyens pauvres furent inscrits par tribus avec leurs enfans, et cette inscription constitua désormais un véritable droit. C’est cette réforme qui est mentionnée dans le Panégyrique ; mais c’est commettre une grave confusion que de découvrir dans ce discours autre chose qu’une allusion à la belle organisation de l’assistance publique en Italie, telle qu’elle résulte pour nous de l’institution alimentaire.

De même qu’à Rome les secours accordés par les patrons à leurs cliens pauvres avaient précédé les distributions faites par l’état, de même en Italie la générosité privée avait devancé la libéralité des empereurs. Les inscriptions nous font connaître de véritables fondations particulières présentant tous les caractères de sûreté et de perpétuité que peuvent avoir chez nous les dispositions charitables. On voit par exemple un certain Helvius Basila léguer aux habitans d’Atina la somme de 300,000 sesterces (60,000 francs du poids de notre monnaie d’argent) pour que les enfans pauvres de cette cité fussent nourris jusqu’à l’âge viril avec l’intérêt annuel de ce capital. Une femme de Terracine, pour honorer la mémoire de son fils, donne aux habitans de cette cité 1 million de sesterces (200,000 francs) destinés au même emploi ; on peut mentionner les fondations analogues et plus magnifiques encore de Pline le Jeune en faveur de Côme, sa patrie.

Xiphilin parle du soin que prit Trajan de soulager la misère des citoyens romains dans les villes de l’Italie, mais il n’entre dans aucun détail à cet égard. Voyons quels étaient le plan, le but et l’esprit de cette institution, inconnue de ceux qui se bornent à tirer l’histoire des textes classiques, et dont nous pouvons parler aujourd’hui avec compétence et sûreté, grâce aux tables de bronze de Véléia et de Campolattaro. Ces deux documens sont, à proprement parler, des contrats. L’inscription de Véléia en comprend deux : l’un est relatif à quarante-six obligations particulières, l’autre à cinq seulement. Voici la traduction du titre qui précède le premier de ces contrats : « Somme prêtée contre hypothèque (obligatio) sur fonds de terre, et s’élevant à la somme de 1,044,000 sesterces, par la libéralité de très bon et très grand prince, empereur César Nerva Trajan Auguste Germanique et Dacique, pour que les garçons et les filles reçoivent des alimens, à savoir les garçons légitimes au nombre de 245, à raison de 16 sesterces par mois, soit 47,040 sesterces par an, les filles légitimes au nombre de 34, à raison de 12 sesterces par mois, soit 4,896 sesterces par an ; 1 garçon illégitime recevra 144 sesterces par an, 1 fille illégitime 120. La somme totale des rentes propres à l’alimentation de tous ces enfans pauvres est donc