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gouverneurs y avaient à peine quelques hommes d’escorte et le nombre légal d’appariteurs affecté au rang qu’ils tenaient dans la hiérarchie des magistratures. Aussi avait-on eu le soin de réserver à l’empereur toutes les provinces dont la position géographique exigeait la présence de forces suffisantes pour la défense des frontières. Cette intention de laisser toutes les armées sous la main de l’empereur apparaît très clairement pour la province d’Afrique, dont une division ou région (diœcesis), la Numidie, en butte aux attaques des Gétules, exigeait la présence des soldats. On avait dû confier au légat de ce petit diocèse une légion (la IIIe Augusta) ; mais à partir du règne de Caligula on ne voulut plus la laisser sous l’autorité du gouverneur d’une province sénatoriale, et ce légat, bien que dépendant civilement du proconsul, fut militairement placé sous l’autorité de l’empereur et prit le titre de légat d’Auguste. Comme les légions étaient semées le long des frontières du Danube, du Rhin et de l’Euphrate, toutes ces provinces étaient impériales, les deux Germanies, le Noricum, la Pannonie, la Mésie, la Syrie, etc. Dans les provinces impériales, tout se faisait par le légat de l’empereur et au nom de l’empereur : administration de la justice, levée des impôts et commandement des troupes. Tel est le sommaire ou la simple indication du cadre que l’historien des Antonins devrait remplir pour nous faire connaître l’organisation de l’empire à l’avènement de Trajan. Il faut ajouter que l’état des provinces était en général assez prospère ; mais nous sommes à la veille d’une période bien autrement heureuse pour le monde. Le règne de Trajan ouvre l’ère des grands travaux d’utilité publique et de paix universelle. Après avoir montré quel était le théâtre, resterait à y faire paraître et agir le personnage.


IV

Trajan est le premier empereur d’origine provinciale. Il était ne à Italica en Bétique, aujourd’hui Santiponce, près de Séville dans l’Andalousie, le 19 septembre 53. Il mourut à Sélinunte en Cilicie au mois d’août 117, âgé par conséquent de soixante-quatre ans et dix mois. Son père avait fait ses premières armes sous Vespasien en Judée, où il commandait la légion Xe Frétensis ; il fut consul subrogé en 70, proconsul de la province sénatoriale d’Asie en 79, et il mourut avant l’adoption de son fils par Nerva ; mais une pièce d’or bien connue témoigne de la piété filiale de Trajan : elle nous conserve les traits de son père, et le mot divus de la légende prouve qu’il lui fit décerner l’apothéose. La carrière du fils ne fut pas moins méritante que celle du père : nous savons qu’il fut pendant dix ans tribun légionnaire, qu’après avoir eu la questure, qui lui