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loi du recrutement des légions. Les cohortes auxiliaires et les ailes de cavalerie qui complétaient l’effectif des armées étaient composées de volontaires. Le droit de cité avait été accordé à un très grand nombre de familles, généralement à celles qui comptaient dans leur sein d’anciens magistrats municipaux ; or il y en avait six chaque année dans toutes les cités de l’empire. La plupart de celles qui n’avaient pas la plénitude du droit romain avaient du moins le droit latin (latinitas), ce qui implique tous les droits civils à l’exclusion des droits politiques. Or les droits politiques sous la république entraînaient la prérogative de voter aux assemblées de Rome ; mais cette faculté devint de bonne heure illusoire pour le plus grand nombre, et inutile pour tous quand il n’y eut plus de comices dans la ville. Nous dirons en passant à propos de la suppression des assemblées populaires sous Tibère que cette réforme, qui a excité les colères et fourni une si ample matière aux déclamations de quelques publicistes modernes, n’a eu et ne devait avoir aucune importance.

Du jour où les cités de l’Italie eurent obtenu l’égalité avec Rome en vertu de la loi Julia municipalis (en l’an 45 avant J.-C), — loi qui constitue le plus grand acte assurément de la vie publique de César, et dont pas un écrivain classique n’a parlé, — le jour où ces mêmes cités ont eu leurs assemblées à elles, où le sénat et l’empereur furent les seuls juges informés des besoins des provinces, le jour enfin où les comices de Rome ne pouvaient plus représenter les intérêts et les besoins de l’Italie et du monde, il est évident qu’ils devaient perdre tout caractère d’assemblée politique. Ces anciennes centuries, ces anciennes tribus qui avaient fait de si grandes choses en furent logiquement réduites au rôle de comices municipaux de la ville, et n’eurent plus de compétence possible que pour les affaires intra-muros, aussi la suppression des anciennes centuries et des anciennes tribus a-t-elle été la conséquence forcée et toute naturelle de leur inutilité démontrée. La concession du droit latin, n’entraînant aucune prérogative politique, visait donc autre chose que la privation du vote : elle établissait l’incapacité aux grandes fonctions de l’empire. Les citoyens de droit latin ne pouvaient prétendre à d’autres honneurs qu’à ceux de leur cité, dont les limites étroites servaient d’horizon à toutes les ambitions locales. L’Espagne tout entière reçut le droit latin sous les premiers empereurs flaviens à la fin du Ier siècle ; la Gaule en jouissait aussi en grande partie. Si l’on veut maintenant se faire une idée de la condition de ces cités de droit latin, une découverte de la plus haute importance nous permet depuis quelques années d’en être parfaitement instruits. Des documens d’une inappréciable valeur historique, datés précisément du règne de Domitien, nous révèlent les faits qui